Justice 69

La semaine rouge de Cestas

par François Brigneau

C'est le mardi 11 février, un peu avant midi. que le drame va devenir tragédie. Car jusqu'à ce jour, jusqu'à cette heure, ce n'est encore qu'une affaire banale, celle d'un homme cocu. battu et pas content. Il s'appelle André Fourquet. Il a 38 ans, des cheveux noirs, des yeux brillants, un peu trop peut-être, une fine moustache soigneusement coupée. De taille moyenne, mince, nerveux, il y a en lui du garde-chasse et de l'ancien sous- off'. En réalité il est chauffeur de bulldozer à Mérignac.

L’injustice rend fou

par Henri Jeanson

Tout le monde est d'accord : les gendarmes, le maire, le curé, les voisins, les commerçants, tous ceux qui l'ont connu : Fourquet était un honnête homme, il adorait ses enfants et ses enfants l'adoraient... Et pourtant, ces enfants qu'il adorait, il les a tués et non seulement il les a tués, mais il a en outre bousillé un gendarme avant de se flanquer une balle dans le corps ...

La machine judiciaire

par Jean-Marc Varaut

Moquée, méconnue, contestée, ridiculisée, redoutée, révérée, la Justice s'est enfermée dans un paradoxe absurde. Les gens de justice sont-ils gens de cirques, à la fois clowns et acrobates, ou bien grands-prêtres et même un peu sorciers ? Cirque ou temple, le Palais de Justice demeure en tous les cas un labyrinthe dont les Français ne connaissent pas les dédales.

Messieurs les Magistrats

par Jean Laborde

Le plus joli mot de l'année est sans doute celui qu'a prononcé récemment un magistrat. C'était à Nantes devant la Cour d'Assises. On jugeait une femme, mère de famille nombreuse, qui dans une crise de dépression avait tué l'un de ses enfants alors que selon tous les témoignages elle les aimait tendrement et les élevait avec dévouement. Mais la petite victime était venue alors que la situation du ménage était difficile et pour l'accusée cette bouche supplémentaire arrachait la nourriture des autres.

Vous qui nous jugez

par Jacques Laurent

Ou est le bien, où est le mal ? Dans Dostoiewski, le problème reste posé. Les juges le résolvent tous les jours sauf dimanche et fêtes. Le fait de juger donne à rêver. Que ce soit un métier donne à penser. Il y aurait donc des êtres assez sûrs de leur conscience, de leur science, de leur goût, pour juger les autres ? Ici le huron m'interrompt - qui est présent d'un bout à l'autre de notre littérature, tantôt huron, tantôt iroquois, à la rigueur persan ou vigneron tourangeau - et ce huron demande avec admiration, respect, d'où nous tirons ces arbitres infaillibles : sont-ils d'une caste que les siècles ont mûrie, ou les a-t-on, dès l'enfance, préparés à exercer ce pouvoir discriminateur ? Ou les choisit-on, au contraire, parmi des sages qu'une longue vie exemplaire désigne sans conteste ?

Le “coup de pouce” dans les affaires d’assises

par Marcel Montarron

Un dimanche du mois de novembre de l'année 54, neuf hommes du département des Basses-Alpes qu'accompagnaient trois magistrats, pénétraient dans la salle du Conseil du Tribunal de Digne pour y juger l'étrange vieillard qu'ils avaient eu devant les yeux pendant trois semaines. Après trois heures et demie de délibérations, les neuf hommes reprenaient leurs places dans la salle d'assises. Ils avaient répondu : Oui, à la majorité (le mot « unanimité » est banni du vocabulaire judiciaire). Le vieux Gaston Dominici venait d'être condamné à mort.

La Ve et sa justice

par Jacques Isorni

Le Gouvernement Provisoire de la République Française, la IVe République, sa fille reniée, et la Ve, ont été marqués par le scandale de la justice. Ces trois régimes étaient revêtus de la forme la plus remarquable de l'injustice : le mensonge. Le Gouvernement Provisoire et la IVe étaient nés du prétendu crime d'armistice et de la prétendue trahison de Pétain, la Ve de la volonté de garder l'Algérie française. Soit dans la vue de consacrer le mensonge en étouffant la vérité par la mort et la geôle, soit dans la vue de réprimer la révolte contre l'imposture, ces régimes - la IVe à son commencement - organisèrent sciemment la torture de la justice.

Etat de Justice ou Etat de Police

par Richard Dupuy

On distingue traditionnellement l'Etat de Justice qui repose sur le respect des droits fondamentaux de l'individu et l'Etat de Police où chaque sujet se trouve soumis à la raison d'Etat. Il paraît qu'en France notre système économique se situe à mi-chemin entre le libéralisme et le collectivisme. Certains esprits malveillants se demandent si notre régime ne serait pas lui aussi à mi-chemin entre l'Etat de Justice et l'Etat de Police.