Samuel Beckett

Samuel Beckett, la capitale des ruines

par Edith Fournier

En 1939, Samuel Beckett habite à Paris depuis quelques années déjà. Au moment de la déclaration de guerre, il se trouve cependant de passage en Irlande. Plutôt que d'opter pour la sécurité que peut lui procurer la neutralité de son pays, il choisit la France en guerre et regagne immédiatement Paris. Dès 1940 il entre dans un réseau de la Résistance. Pourchassé par la Gestapo en 1942, il doit fuir Paris et trouve refuge dans un village du Vaucluse, où, poursuivant ses acti- vités clandestines dans le maquis, il d.emeure jusqu'en 1945.

Le canot de Samuel Beckett

par Yves Bonnefoy

L'île est peu loin du rivage, c'est une étendue sans relief dont on devine à peine la ligne basse, avec quelques arbres, dans la brume qui pèse sur la mer. Quelqu'un dont nous ne savons rien, sinon la bienveillance et qu'il a voulu que nous venions là, nous a pris dans sa barque, nous sommes partis mais il pleut et traverser le bras d'eau ressemble, sous le voile des ombres parfois très noires, à une trouée dans les apparences, au rêve d'un autre monde, peut-être déjà à un peu de celui-ci, faible rayon dans les taches sombres. Une rive pour- tant, au bout de quelques minutes.

Le génie des lieux

par Anthony Rudolf

Né en 1942, Anthony Rudolf est poète et traducteur. Il dirige à Londres The Menard Press, une maison d'édition dont le catalogue compte des auteurs tels que Primo Levi, Yves Bonnefoy, Paul Auster, Ivo Andric, Nadejda Mandelstam, Fernando Pessoa. Anthony Rudolf nous livre ici un bref témoignage sur le rôle que joua Beckett dans sa vie.

“That’s not moving, that’s moving”

par John Pilling

L'idée reçue que Beckett est un écrivain qui explore jusqu'à l'obsession les thèmes de l'immobilité et de l'inaction présente sous un jour erroné un sujet d'une grande complexité - comme presque tout ce qui s'y rattache - et l'on peut soutenir que les termes essen- tiels en sont tout différents. Comme j'ai essayé de le montrer dans mon essai « From a (W) horoscope to Murphy », « puisque l'équation proustienne n'est jamais simple - ainsi que l'a affirmé Beckett dans l'étude qu'il a consacrée à ce sujet en 1931 1 - on nous pardonnera de supposer que les équations qui s'appliquent à ses propres entre- prises créatrices auront toujours un caractère plus ou moins complexe ».

Joyce et Beckett

par Seamus Deane

Dans sa biographie de Beckett, Deirdre Bair nous rapporte que, lorsqu'on apprit qu'il avait un glaucome aux deux yeux, on lui posa quelques questions d'une niaiserie stupéfiante. Croyait-il que la cécité était une affection dont souffraient les grands écrivains irlandais ? Allait-il être le troisième d'un célèbre triumvirat (avec Joyce et O'Casey) à être frappé de cécité ? Ces questions sont peut-être du même ordre que les enquêtes plus spécifiquement littéraires qui s'atta- chent aux comparaisons et aux contrastes entre Beckett et Joyce.

Le voyage au bout de Paris

par Jean-Michel Rabaté

Il est clair que le Paris de Beckett n'est pas celui de Joyce, et pourtant on sait que Beckett n'aurait pas fait de Paris son refuge, le lieu d'élection de son exil volontaire s'il n'avait été déjà habité par son illustre prédécesseur irlandais.

De l’infiniment petit à l’infiniment grand

par Nelly Stéphane

Quelqu'un parle à quelqu'un. Qui parle à qui ? Pour s'assurer de son existence, pour se rassurer de sa présence. Je parle, donc je suis. Pour avoir prise sur le monde. Ce geste est parlé dans le moment même où il s'accomplit, l'objet nommé : correspondance terme à terme entre le mot dans la tête et tout ce qu'il y a hors de la tête, tout ce que nous percevons et appréhendons. Entre le soi et le non- soi. Se penser, se dire, s'agir à haute voix, à la façon des vieux qui sentent leurs organes se déglinguer, leur langue s'empâter, leur per- sonne se débander, leur mémoire tomber en morceaux. Se dire, et naturellement s'écrire, se mettre sur le papier. Debout, assis, cou- ché, rampant. Eveillé, et dans ces longues heures du non-sommeil.

L’embarras de l’allégorie

par Dougald McMillan

Beckett et les arts plastiques

Beckett à travers Beckett

par Stanley E. Gontarski

Au début des années soixante, l'œuvre dramatique de Beckett entra dans une phase nouvelle. Il s'impliqua de plus en plus dans la mise en scène de ses pièces et en vint finalement à tout prendre en charge. Cette évolution eut une double conséquence : son écriture théâtrale se modifia et, de façon non moins décisive, il repensa ses travaux précédents. A bien des égards, son nouveau théâtre fut plus ouvertement formaliste, tout en étant aussi plus visuel, puisqu'il essaya d'équilibrer la part de l'image et celle du langage. 11 en résulta un théâtre plus statique qu'actif, et plus lyrique que dramatique

Les désirs humains de Beckett

par Lionel Kelly

En 1937 Beckett travaillait à une pièce sur Samuel Johnson des- tinée à être jouée en Irlande, et intitulée Human Wishes (Désirs humains), titre qui fait explicitement allusion à la satire en vers de Johnson, The Vanity o f Human Wishes (la Vanité des désirs humains). J'utiliserai ce document pour explorer l'intérêt que Beckett portait à Johnson, qui est une question d'affinités entre leurs idées et leur tempérament ; et qui de Human Wishes nous mène à la Dernière Bande, écrit en 1959. Human Wishes décrit le cercle des intimes de Johnson, et ses relations avec Henry et Hester Thrale, qui lui fourni- rent une maison d'appoint de 1766 à 1780. La documentation manus- crite consiste en trois petits carnets in-octavo, non numérotés, dont l'un est relié d'un cuir souple bon marché et les autres recouverts de papier ; s'y ajoutent quatre séries de notes manuscrites et dacty- lographiées sur le personnel qui travaillait chez Johnson, le manuscrit et un exemplaire dactylographié de la pièce.

Entre le besoin et l’incarnation

par Michael Sheringham

L'épreuve du récit dans la première partie de Mollay

A propos de Fin de partie

par Aldo Tagliaferri

Après tant d'essais interprétatifs, le texte de Fin de partie nous apparaît plus que jamais entouré d'un halo surdéterminé de références et de citations qui, soustraites aux règles du théâtre réaliste et du dialogue classique, laissent le spectateur aux prises avec un scénario énigmatique, grouillant d'oppositions et de symétries gestuelles et scéniques.

Pas et Berceuses : des textes féminins ?

par Mary Bryden

Le nom de Samuel Beckett n'est pas communément associé à la notion d'écriture féminine. Dans un domaine qui échappe aux canons littéraires conventionnels, une telle association ne peut être que pro- visoire. Au demeurant, bien des féministes contesteraient la parenté de Beckett avec l'écriture féminine et préféreraient ne considérer son œuvre que dans le cadre de l'étude des« Images de femmes», c'est- à-dire selon une approche qui a fourni un tremplin nécessaire mais transitoire à l'émergence d'une critique féministe.

L’angoisse d’auto-régénération de Samuel Beckett

par Andrew Renton

Bien que Beckett ait utilisé des procédés auto-régénérateurs dans ses textes dès Watt (et tout particulièrement dans ce cas), il a cherché dans ses œuvres ultérieures à préciser un système qui, une fois « programmé », créerait un texte automatiquement et le conduirait à son terme. La manière de travailler de Beckett aboutit ainsi à ce qu'un critique a pu appeler « une allégorisation du statut autonome de l'œuvre ». Le processus de composition devient le trope à l'intérieur de la composition. Cependant, combiné à cette quête d'une conjonction absolue de la forme et du fond, on décèle toujours un pragma- tisme auquel Beckett a obligatoirement recours, le système en ques- tion se révélant impossible.

voir également

Le Mercure de France Pierre-Jean Jouve · alain jouffroy · james joyce · andré gide · victor segalen · marc blancpain
#1158
1960-02
0 €