Numéro 34

Réparation de poésie

par Jean-Claude Gagnon · visuels: Martin Paquin

Considérant le fait que dans l'esprit des gens, la poésie est souvent identifiée aux « recueils » ou « plaquettes » qui ressemblent de plus en plus à des livres de cuisine, lisses, économes, privilégiant l'absence à la générosité des signes, comme d'autres, nous avons tenté cet effort: il s'agit d'étendre la poésie à toutes les activités artistiques, de la sortir du ghetto des « plaquettes », des « récitals », des « soirées » et des « nuits » de plus en plus espacées. Pour atteindre cet objectif nous avons reçu l'aide de personnes empruntant des avenues diversifiées telles l'art postal, les collages poétiques, le copy art, la poésie visuelle, la photographie, etc. La poésie ainsi écartelée, sortie de ses sentiers battus se dirige allègrement vers des directions multiples et diversifiées et s'y sent chez elle. Alors, que les poétesse tiennent les oreilles et suivent la vague.

Réparation de poésie

par Guy Durand · visuels: Alain-Martin Richard

Une belle et intéressante exposition ayant pour idée directrice la « réparation de poésie » a occupé les locaux d'« Obscure » en novembre à Québec. Jumelée a l'esprit poétique de l'événement « Espèces Nomades », l'exposition débutait la dernière tournée de ce troisième festival d'Intervention. Beurk Tisselard (qui se qualifie lui-même « d'abominable homme des lettres ») a ouvert l'exposition par un vernissage de quatorze performances. Un mini-festival en soi! Exposition d'oeuvres Dans la grande salle prenaient place une douzaine (?) d'installations. Ces oeuvres oscillaient des agencements surréalistes vers d'inédites formules de sensibilité envers mots et symboles devenus objets. Trois réparations ont plus particulièrement avivé mon imagination. Les oeuvres de «Beurk Tisselard » alias Jean-Claude Gagnon, le manitou de l'événement, confirment la ténacité et les ingéniosités avec lesquelles le poète scrute les méandres d'une poésie abîmée par les mécanismes de la consommation de masse. Ses échantillons de poèmes/tapis étonnent autant que sa machine déchiqueteuse de livres et feuilles encrées de vers et rimes conventionnelles. Superbe, le travail quasiment en « vases communicants » de Diane-Jocelyne Côté; elle a élaboré une guéri-son « douce » sous le mode des traitements alternatifs pour ces poètes et leurs travaux incompris. Voilà inaugurée l'homéopoésiel

Que dire des Logomotives?

par Richard Martel

Le Lieu, centre en art actuel recevait, du 17 octobre au 2 novembre 86, l'exposition du groupe Logomotives. La présence des italiens Sarenco et Eugenio Miccini, qui réalise son premier séjour en Amérique, donne du corps à l'accrochage des oeuvres des autres: Jean-François Bory, Julien Blaine et Alain Arias-Misson. Ce dernier, venu de New York, s'intéresse depuis les années 60 à l'écartèlement des médias par le langage poétique. Venus pour participer à l'événement Espèces Nomades, les poètes se font artistes visuels parce qu'ils ont à ta ter de l'institution pour contrecarrer l'univers de la forme poétique conventionnelle. Au sujet du Logos et des motifs des expositions, Sarenco explique: « Les motifs du Logos (ou « logomotives », merveilleux titre trouvé en collaboration avec Emmett Williams) sont à rechercher dans le travail de quelques poètes qui, s'ils ont été ma rginalisés du marché de l'art et del 'histoire (?) depuis vingt ans, sont encore extrêmement vivaces et prêts à se dire y compris en ce moment où le logos fait cruellement défaut.

Un automne de sensibilité

par Guy Durand

Alors que les poètes sans poèmes s'amusaient en performance dans des variétés « expérimentales » (Espèces Nomades et Réparation de poésie) certains artistes ont répandu une humeur esthétique parmi les feuilles mourantes du temps automnal à Québec. D'abord Mona Desgagné qui inaugurait la saison au Lieu, centre d'exposition des éditions Intervention. Elle a créé un superbe environnement dont I'« immatériau » n'était qu'une remarque pour la commune humanité: ce dépérissement temporel si angoissant pour Camus.

Trois instantanés d’une région, où est insertion?; où sont les artistes? où est la critique?

par Andrée Savard

On a souvent répété que la survivance de l'atelier d'art expérimental Insertion à Chicoutimi constituait une des rares preuves de la viabilité culturelle d'un collectif d'artistes en périphérie. Voulant soutenir une pratique et un discours cohérent en art, ce en tant que collectif, chacun a aussi tenu mordicus à préserver son autonomie, soit poursuivre sa propre production. Tous et toutes savaient bien que les interactions seraient fortes, la force du groupe a résidé dans la récupération consciente de celles-ci pour le collectif. Autant certains projets ont eu un caractère globalisant, plus précisément les interventions de rue des premières années, les neiges usées, les barils devant la cathédrale, autant certains autres ont supporté le travail de chacun-e. Entrepôt culturel, par exemple, s'est déroulé en deux lieux, six temps mais surtout a présenté la production de ses membres, six à l'époque, chapeautée cependant par un thème. Récemment, novembre 1986, deux de ses membres, Guy Blackburn et Jean-Pierre Harvey, s'installent à Montréal. Facteurs de départ: le fardeau devenu trop lourd de l'étiquette et de l'isolement. Si les activités de l'atelier, installations et performances, attirent en moyenne une soixantaine de personnes, ce qui est bien pour ce type d'activités, ces personnes restent simplement spectateur-trice-s.

Scandinavian tour

par Richard Martel · visuels: Alain-Martin Richard

«Scandinavian tour »; c'est une excursion de trois artistes du collectif d'lnter / Le Lieu, au Danemark et en Suède, du 21 septembre au 3 octobre 1986. L'entreprise, la mise en situation d'une exposition des artistes du collectif de Québec, et des amis de l'extérieur, s'installe dans une galerie commerciale, la Galleri Set. Agnes, de Roskllde. Valborg Norby, la propriétaire de la galerie, a déjà offert sa collaboration aux artistes Fluxus et reste très ouverte aux expérimentations nouvelles de l'art actuel. Pierre-André Arcand, Alain-Martin Richard et Richard Martel s'enferment pendant trois jours pour réaliser les Installations. Nous sommes très heureux au vernissage; nous réussissons à rendre parfaitement l'ambiance de nos espaces dits «alternatifs». Le public danois est très intéressé par nos supports artistiques pauvres, éphémères tout en étant très riches en connotations multiples.

The image, the movement

par Alain-Martin Richard · visuels: Dieter Schwerdtle

Le Kunstverein de Kassel, en Allemagne fédérale, proposait comme première exposition de l'année en rupture avec les approches que le public d'abonnés est habitué d'y trouver: installations et performances pour le son, l'image et le mouvement. Trois salles, six rencontres d'artistes. Horst Rickels étend son araignée sonore, éventail de tuyaux d'orgue alimentés par des pompes à pied de camping. Concert: sculpture sonore, le performeur rythme. Rod Summers lance son avion à pile en vol circulaire au-dessus d'une pyramide en construction: matériaux = balles de ping-pong, gravées au nom des éléments chimiques. La durée de l'action, c'est la durée des piles. Pierre-André Arcand joue voir sonore avec son magnéto-machine. En projection, un diaphragme palpitant dans un projecteur. Performance installation. Emmet Williams, sur un itinéraire de huit lutrins, fait une lecture de son poème circulaire en huit langues. Matériau: les mots les plus fréquents rencontrés dans la Divine Comédie. Alain-Martin Richard installe sa Lesekasten, boite de lecture obscure. Une machine douce, le texte tremble sur le mur lorsque fouillé par la lampe de poche. Performance avec lecture de journaux et texte chimique.

Ainsi, Snow Ball Project Twinvilles

par Alain Gibertie · visuels: Bruno Guyot, Beauzee-Luyssen

« Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique». 1982. Sous les pommiers, autour d'une table, Marianne et Robert Fil-liou, Agnes Dennery et Alain Gibertie; Fleurac en Périgord (France) 594 habitants entre les grottes de Lascaux et celles de Rouffignac. Ici est né le Dordogne Intelligence Service... Service! Le plus vaste réseau d'espionnage de la Planète comprenant 5 milliards de stratèges. Le vin biologique de Robert coule bien... et puis le café, le jeu de l'Oeuf (inconnu). « LE MONDE EST UN VASTE VILLAGE ». Hank Bull de Vancouver venait de nous quitter, Richard Martel de Québec allait arriver. LE PROJET BOULE DE NEIGE est né là, entre deux nomades. Pax entreprise & more - Remettre à sa place le fléau de la balance. «Toward a new cultural desorder» aurait dit Hank Bull. C'est pas un trou dans l'ozone qui va nous empêcher de Rêver! 1985: le projet est présenté à la première biennale de la Paix de Hambourg (Allemagne). Vancouver (Canada) est jumelée avec St. Paul la Roche (France, 600 habitants). Dans ses bagages, Alain Gibertie emporte à Hambourg des dessins d'enfants réunis par l'instituteur du village Alain Calen-draud, des spécialités locales offertes par les habitants du village; ces premiers cadeaux recueillis par Hank Bull finiront à Vancouver et les dessins exposés dans l'école de Suzan Ksinan.

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