Intervention N°5

Musée: sous le concept, la lutte

par Guy Durand · visuels: Renée Girard

Un changement culturel de quelque nature qu'il soit ne s'opère pas seulement sur le plan des idées. Derrière toute modification de conception se camoufle aussi une modification des rapports entre les promoteurs des idées: l'idée du passage d'un musée d'art tel qu'on le connaît vers un musée dit de l'homme "d'ici" implique aussi le glissement des pouvoirs d'expertise jusqu'ici aux mains des historiens d'art à de nouveaux experts, cette fois en provenance des sciences humaines. En outre, l'orchestration par l'Etat du style muséologique amènera vraisemblablement une gestion dite techno-bureaucratique jusqu'alors confinée au rôle de mécène dans le champ de l'art québécois. C'est donc dire que nos historiens d'art craignent que leur "lieu" leur échappe, nos artistes locaux soupçonnent la minimisation de la "sanction muséale" qu'ont toujours eues les expositions au Musée dans leur "carrière" tandis que les diplômés des sciences humaines voient s'ouvrir de nouveaux débouchés dans l'univers de la culture. II y a donc, on s'en doutait, des enjeux immédiats d'ordre économique et politique dans tout changement culturel, y compris celui muséologique.

Lettre à Monsieur le Ministre

par Richard Martel

Je ne sais si cette lettre atteindra son but mais j'ose quand même rédiger ce qui suit. En fait, c'est en guise de réponse au projet du "Musée de l'homme d'ici" que j'écris ces quelques lignes. Je ne ferai cependant pas l'histoire de la conception et de la réalisation de ce projet. De toute manière, je m'occupais de l'art contemporain au Musée du Québec en 1974 au moment où certains travaux ont commencé à ce sujet. Enfin! En 1979 nous en sommes toujours à la consultation. Mon expérience personnelle en ce qui a trait à l'art, au niveau de sa production et de sa diffusion, me permet d'avoir certaines opinions. D'abord j'avoue connaître assez bien l'art actuel en occident et je considère que ma connaissance des villes comme Montréal, New York, San Francisco, Paris, Londres ou Amsterdam m'autorise à pouvoir juger en matière de diffusion de l'art actuel. Pour arriver rapidement à situer le problème, j'insiterai ici tout particulièrement sur l'art contemporain.

Un regard québécois sur l’art parisien à l’été 79

par Richard Martel · visuels: Richard Martel

Les lignes qui vont suivre essaieront de situer la pratique artistique actuelle dans la capitale des arts qu'a toujours été Paris. En fait, j'eus l'occasion de séjourner dans cette ville en mai et juillet 1979. Ce texte tentera, par une description sommaire des manifestations qui s'y trouvaient, de montrer les tangentes de l'art actuel. Le Québec est situé près des expériences américaines par la proximité de New York et par les relations commerciales de certaines galeries. Cependant, si son avant-garde reprend souvent stylistiquement les mêmes problématiques, il est par contre évident que la présence européenne et surtout française situe notre nation — le Québec — au confluent de l'art occidental. C'est ce qui fait du Québec une zone privilégiée en continuelle remise en question. J'ose croire que, jusqu'à présent, l'exemple américain — new yorkais surtout — a primé. En témoigne la similitude des pratiques d'une partie de l'avant-garde québécoise avec celle des gens de New York. J'avoue toutefois qu'un rapprochement avec Paris et son effervescence ne pourrait qu'accroître un questionnement artistique déjà pertinent et intense ici même. La situation québécoise est donc tout à fait spéciale; c'est notre devoir d'y demeurer actif pour le moins qu'on veuille bien exister dans cet immense questionnement que constitue présentement l'art occidental. En fait, l'art occidental actuel, issu des projets dématérialisants et cherchant une nouvelle définition des valeurs, témoigne de la crise que subissent actuellement les institutions occidentales et leurs idéologies. Les tendances actuelles sont souvent orientées dans des directions dialectiquement opposées, nous prouvant ainsi que l'action culturelle est idéologiquement constituée et que ses paramètres optent pour une morphologie artistique spécifique à ses orientations. C'est ainsi que les directions issues d'un art pour l'art trouvent leurs manifestations dans la "peinture — peinture" des peintres québécois même si, en second plan, certains artistes insistent tout particulièrement sur le questionnement théorique de leur pratique. En deuxième lieu, l'autre tendance directionnelle semble plutôt s'insérer dans les problèmes liés au capitalisme en crise. Ces pratiques de la lutte urbaine, féminine, écologique et politique réussissent, tout en faisant éclater les sacro-saintes conceptions fétichistes de l'oeuvre d'art, à définir de nouvelles avenues à un art socialement engagé.

Êtes-vous Nationaliste ? OUI je suis Romantique

par Diane Jocelyne Côté

Quand on demande à un artiste: êtes-vous nationaliste, on pourrait tout aussi bien lui demander: êtes-vous romantique et sa réponse vaudrait pour les deux questions. En effet, s'il est absolument impossible de définir ce qu'est une nation (géographie? langue? origine? conscience d'unité? volonté de vivre ensemble?), il est cependant assez étonnant de constater que le nationalisme, lui, se définit facilement. Exaltation d'un sentiment d'appartenance à un groupe, exaltation qui peut à la limite mener à la xénophobie et au chauvinisme. Ouais. . . Rappelons-nous que le terme nationalisme commença à être utilisé en 1798 donc en pleine époque romantique. Et cela n'est pas un hasard, le nationalisme étant une position politique fondée sur l'exaltation d'un sentiment. Rappelons-nous que tous les nationalismes naissent de la même façon: d'abord une sorte d'Age d'or puis une grande défaite et après c'est le recommencement, la ressurgence dans le but de retrouver "l'état" originel. Cette quête nostalgique de pays est toujours chantée par les poètes - de la "Marseillaise" de Rouget de L'isle aux "Gens de mon pays" de Vigneault.

La chambre blanche : bilan de l’année

par Michèle Waquant

Le 23 septembre 1978, au 226 est, rue Christophe-Colomb. Cyril Reade et Holly King exécutent une performance; la salle est remplie à craquer, les gens se sont entassés dans les espaces libres d'un environnement organisé par Cyril Reade. Plus tard, à l'étage au-dessous on procède au lancement de la revue Intervention, puis le groupe Les Vents fous de Limoilou commence à improviser une grille musicale urbaine. Dans une salle attenante, Paul Bourque a aligné deux séries de sérigraphies, l'une représentant une femme, l'autre un homme. II a dessiné par-dessus, les a transformés; il s'agit d'un curieux inventaire de signes et de codes sociaux, une remise en question de nos préjugés visuels et culturels.

Pression/Présence: vu et corrigé

par Richard Martel · visuels: Patrick Altman

Ce texte sera bref même s'il est difficile d'élaborer un discours succinct autour d'un projet d'envergure comme celui de Bill Vazan. Rappelons simplement l'immense production de ce dernier et ce, dans de multiples directions. En fait si on parle souvent d'art conceptuel à propos de lui, c'est que sa démarche se situe en dehors des limites habituelles de l'art. Ces limites sont le cadre (châssis) et son contexte (la galerie). En brisant avec ses deux "institutions", l'artiste saute l'étape du produit fini pour une expérimentation où primera l'ouverture. Pression/ Présence s'insère très bien dans la démarche logique de Vazan; ce dernier tenant compte de la trace et du rapport nature/culture dans ces projets artistiques passés.

Musique et Spectacles

par Jacques Daigle

Carnivore: du rock en peau de bête. En cette Saint-Jean, la fête est venue tard. Opprimés par deux jours de pluie, les fêtards, encore pleins d'exubérance, n'allaient pas laisser passer si belle occasion. C'était beau de voir la rue Cartier, toujours si sérieuse, transformée en sorte de plancher de danse, scène d'une fête inusitée au son d'une musique aussi inusitée. Situation presque ironique, cette fin de St-Jean se célébrait au son d'un groupe purement québécois dont le hard-rock exubérant se situe aux antipodes de tout ce que peut représenter le patrimoine habituel à nos "célébrations nationales".

Musée d’élite, et culture populaire

par François Bégin

Depuis le début des années 1970, une polémique presque cachée, un débat hésitant, existent autour de ce que l'on appelle la diffusion de l'art. Le présent texte a pour objet une réflexion personnelle appuyée par des textes choisis subjectivement (de toute évidence), sur certains points moins connus de ce sujet. En premier lieu, depuis que je m'intéresse à cette question, une chose me surprend particulièrement: quand on parle de diffusion de l'art, on sous-entend toujours l'art officiel, l'art d'élite, celui-ci peut s'appeler romantisme, impressionisme, surréalisme ou encore conceptuel, body art, performance, hyper-high-realism. Comme si l'art, ce n'était que cela; nous sommes heureusement convaincu du contraire