Chris Marker

François Dupeyron Mon âme par toi guérie

par Eithne O'neill

François Dupeyron occupe une place à part dans le cinéma français : il ne suit pas les règles narratives traditionnelles et ses films sont fabriqués hors des principes habituels. Qu'il s'inspire d'un texte original, qu'il s'adapte lui-même (il est un écrivain publié) ou transcrive les écrits des autres, Dupeyron fait toujours oeuvre personnelle, ne parlant que de lui. Avec des stars, des inconnus ou des vedettes en puissance, il démontre que sa direction d'acteurs est cohérente et même remarquable. Ses films énoncent rarement où ils vont aboutir, surprenant les spectateurs. Mon âme par toi guérie est un petit budget, avec un acteur peu connu du grand public bien que révélé par le théâtre. Le milieu décrit, un peu en marge, fourmillant de questions et de problèmes dans un Midi ensoleillé, ne se rencontre pas toujours dans le cinéma français. Suivre le personnage de Grégory Gadebois, épileptique, guérisseur, à la recherche de son identité, magnifiquement filmé par Yves Angelo (vieux complice du réalisateur), c'est être bouleversé par les émotions et les rencontres. Dans cette rentrée 2013, un film qui ne ressemble à rien sinon à François Dupeyron.

Abdellatif Kechiche La Vie d’Adèle, chapitres 1 et 2

par Fabien Baumann

Rarement film avait autant fait l'unanimité au festival de Cannes. En mai dernier, la projection de La Vie d'Adèle, chapitres 1 et 2 a été comme un raz-de-marée sur la Croisette, réunissant critiques et festivaliers dans un même élan enthousiaste. Quelques mois plus tard, c'est avec autant de passion que se revoit cette oeuvre majeure dont on n'a pas fini de percer les secrets. Après nos premiers échanges à la sortie de la Graine et le Mulet (n°562, décembre 2007), nous avons donc tenu à reprendre le dialogue avec son réalisateur Abdellatif Kechiche, pour qu'il nous ouvre les coulisses de sa création. Loin des polémiques du printemps dernier, il revient sur l'évolution de ses méthodes de tournage et sa manière très particulière de travailler avec ses comédiennes Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, que le jury de Cannes présidé par Steven Spielberg a tenu a associer officiellement à la Palme d'or. Du jamais vu pour un film qui sort décidément de l'ordinaire.

Jane Campion Top of the Lake

par Jean-Loup Bourget

La notoriété de Jane Campion, la beauté des paysages néozélandais avec laquelle nous a familiarisés Le Seigneurs des anneaux, la vogue du polar nordique et de ses audaces se sont combinées pour donner naissance à cette étonnante minie-série coproduite par BBC, Sundance Channel et UKTV. Jane Campion est à la fois la coauteure (avec Gerard Lee) du sujet et du scénario, une des productrices exécutives et la réalisatrice de trois des six épisodes (les trois autres étant signés par Garth Davis).

Rithy Panh L’Image manquante

par Pierre Eisenreich

L'Image manquante sonne comme une oeuvre rétrospective. Elle prolonge et pèse avec subjectivité la filmographie documentaire sur la tyrannie khmère rouge. L'impact traumatisant de l'élucidation de la barbarie dans S21, la machine de mort khmère rouge (2003) et Duch, le maître des forges de l'enfer (2011) provenait de l'objectivité descriptive et reconstituée des actes sanguinaires motivés par l'idéologie délirante et sa déraison systématique. Les bourreaux y étaient les sujets et, à travers eux, leurs discours et leur logique de la négativité. Rithy Panh y percevait ces révélations de la destruction en faisant s'exprimer directement doctrinaires, tortionnaires et témoins toujours vivants... Il s'agissait bien pour lui à l'époque de démonter la mécanique d'une extermination industrialisée pour en dévoiler tout les rouages. Les titres choisis étaient assez évocateurs et reflétaient la seconde partie de la dialectique politique de l'Angkar. Le cinéaste y faisait oeuvre d'historien critique avec une acuité peu commune.

David Fincher House of Cards

par Christian Viviani

House of Cards offre l'occasion de s'interroger sur les outils critiques qui permettent de rendre compte d'une série télévisée. Dans le jargon professionnel/cinéphile, on fait déjà référence à "la série de David Fincher", comme on a pu parler de la série de Martin Scorsese pour le superbe Boardwalk Empire ou de la série de Michael Mann pour les moins chanceux (mais remarquable) Luck.

Les films

par Vincent Thabourey, Jean-Dominique Nuttens, Jean A. Gili, Jean-Christophe Ferrari, Eric Derobert

Papa vient dimanche Salvo Miele Haewon et les hommes Robert sans Robert

Les Sept Samouraïs

par Yannick Lemarié

Si l'on se fie aux travaux des savants, notamment Georges Dumézil, la civilisation indo-européenne est fondée sur trois groupes dont les fonctions correspondent aux besoins que toute communauté humaine doit satisfaire pour survivre : administration du sacré, défense du territoire et production de nourriture.

L’Homme tranquille

par Eithne O'Neill

"Nul doute, L'Homme tranquille a des qualités admirables, sa mise en scène est on ne peut plus professionnelle, mais je n'y vois pas le moindre rapport avec l'Irlande connue de moi, voire de qui que ce soit." C'est Hilton Edwards (cofondateur de Gate Theatre, acteur dans Capitaine Mystère, 1955) qui l'écrit en 1953 dans The Bell, mensuel de prestige dédié à l'expression d"une culture nationale et ouverte au monde.

Dossier : Chris Marker

par Vincent Amiel

S'il est un cinéaste dont il serait vain de "faire le tour" en quelques pages, c'est bien Chris Marker. Pourtant, un an après sa disparition, la tentation est grande de revenir sur son oeuvre, d'essayer de comprendre mieux certaines correspondances, certaines prédilections, de reconstituer certains cheminements. Au moment où le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective (du 16 octobre au 16 décembre 2013) et où sort un coffret de DVD de plusieurs de ses films majeurs, nous avons croisé, comme il aimait à le faire, témoignages et analyses, documents bruts et réflexion, pour essayer de retrouver (ou de donner à saisir) une part de sa vérité. Comme nul autre, il a compris que les images étaient au centre de nos vies, et que le cinéma était le lieu idéal pour conserver autant que pour brouiller ces images.