La tradition politique

Autour de la notion de tradition politique. Essai de problématique

par Raoul Girardet

Depuis plus d'une quarantaine d'années (et plus précisément sans doute depuis que la publication de l'ouvrage désormais classique de René Rémond sur Les Droites en France est venue en consacrer l'emploi), le terme de tradition politique est entré dans le vocabulaire courant de l'historien et du spécialiste des sciences sociales. Son usage s'avère d'ailleurs d'autant plus fréquent que, l'expression s'étant montrée susceptible de multiples virtualités d'emploi, son maniement n'a pu manquer d'en paraître d'autant plus aisé.

La tradition politique : émergence, contenus, devenir

par Raymond Huard

L'intérêt des historiens pour les phénomènes de tradition politique et, plus largement, de mémoire du politique s'est manifesté récemment par la parution de deux ouvrages importants. Le premier élaboré sous la direction des historiens anglais E. J. Hobsbawm et Terence Ranger met l'accent sur l'apparition des traditions et même sur la création volontaire de celles-ci. Le second, préparé par Pierre Nora, s'efforce de saisir la transformation d'une tradition vivante en « lieu de mémoire » institutionnalisé. Avec ces deux ouvrages s'ouvre sans doute une phase nouvelle de l'histoire des traditions politiques, où l'accent est mis sur l'évolution, la construction plutôt que sur les phénomènes de permanence, qui avaient attiré l'attention au départ.

La tradition républicaine

par Odile Rudelle

La « Tradition républicaine » a retrouvé le lustre de la mode. Ce qui ne veut pas dire que sa signification ou l'histoire de ses origines soient toujours très précises. Il n'y a rien là d'ailleurs que de très normal puisque le propre d'une tradition est moins la clarté et la limpidité que le fait de sa transmission au fil des générations. Une transmission qui, assurée par le récit oral ou l'exemple pratique se trouve validée et illustrée par la succession d'expériences heureuses dont, grâce à la fidélité aux enseignements de ladite tradition, la communauté est bénéficiaire.

Socialisation et tradition : transmission et invention du politique

par Annick Percheron

Tradition et socialisation ont partie liée, à telle enseigne que nombre de livres et d'articles d'anthropologie et de philosophie qui traitent de la tradition parlent, essentiellement, de socialisation. A cette situation, deux raisons qui tiennent aux dimensions, fondamentales et pourtant opposées, de l'une et de l'autre. Première raison : les traditions se caractérisent par leur transmissivité, la socialisation constitue le processus majeur de la transmission, donc de la transmission des traditions.

La tradition politique des instituteurs

par Véronique Aubert, Jacques Ozouf, Mona Ozouf

Parler de tradition politique au singulier, c'est avoir vigoureusement unifié un univers surabondant : les traditions sont un ensemble grouillant de coexistences disparates. C'est avoir fait une reconstitution intellectuelle en recomposant une lignée singulière en arrière du flot mêlé des opinions. C'est postuler une vie de la durée. C'est enfin, pour peu qu'on définisse cette tradition, faire venir à la conscience un monde à la fois englouti et vivant, antérieur à la réflexion, et hétéronome. La tradition est ce qui parle à travers les êtres sans que cette parole soit tout à fait la leur, et dont l'emprise est à la fois indiscutable et énigmatique. Paul Thorez en a donné une excellente définition dans le beau titre de son livre : Une voix presque mienne.

Mémoire ouvrière, mémoire politique : à propos de quelques enquêtes récentes

par Yves Lequin

Il ne s'agit pas là de présenter une enquête sur la tradition politique en tant que telle, mais d'évoquer le thème tel qu'il peut apparaître, d'une manière fortement médiatisée, à travers une série de recherches menées par des historiens de l'Université Lyon 2 sur la mémoire ouvrière.

Une histoire exemplaire : Obstinations et nouveautés dans la transmission d’une tradition politique familiale

par Anne Muxel-Douaire

Si toute famille a une histoire, qu'elle mémorise plus ou moins durablement, chaque famille n'est pas porteuse explicitement d'une tradition. Poux cela doit s'affirmer d'abord une intention, une volonté de constituer une mémoire familiale et de la transmettre. Selon les milieux, selon l'histoire propre à tel ou tel groupe et sa place dans une conjoncture sociale particulière, la force de ce passé mémorisé pourra peser plus ou moins fortement, autorisant à parler plutôt de reproduction ou plutôt d'évolution entre les générations. De plus l'héritage qu'il représente pourra être transmis de façon plus ou moins volontaire et explicite. Mais une transmission même volontaire ne suffira pas à fonder forcément une tradition familiale, il faudra encore d'autres conditions. C'est au déchiffrage de quelques-unes de celles-ci que veut concourir l'exemple que nous allons proposer.

Immigration et traditions politiques

par Gérard Noiriel

Il n'est pas exagéré de dire que jusqu'aujourd'hui, les chercheurs ayant réfléchi au problème des « traditions politiques » en France ont presque tous ignoré la question de l'immigration. On peut mettre en avant deux raisons pour rendre compte de ce fait. Depuis un siècle qu'elle représente un phénomène de premier ordre de la vie économique et sociale française, l'immigration n'a jamais été pensée comme un problème historique, donc susceptible d'interférer avec nos « traditions nationales ».

Serres ou laboratoires de la tradition politique ? Les khâgnes des années 1920

par Jean-François Sirinelli

Les khâgnes des années 1920 ont-elles été un lieu de transmission de la tradition politique ? La question peut surprendre. Ces classes préparatoires au concours de l’École normale supérieure, en effet, ne constituent apparemment rien de bien prestigieux à cette date : quelques salles sombres dans une douzaine d'établissements, l'une à Louis-le-Grand accueillant des effectifs pléthoriques, à la limite de l'asphyxie, les autres abritant au contraire, le plus souvent, de maigres auditoires aux résultats incertains. Le chercheur ne risque-t-U pas, dès lors, de majorer l'importance du site sur lequel il travaille et de fausser ainsi la perspective ?

La collection des almanachs édités par le Parti communiste français : un exemple de tradition

par Marie-Claire Lavabre

Le Parti communiste français publie chaque année, depuis près de soixante ans, un almanach. Souvent négligés, peu étudiés en tant que tels, ces almanachs communistes présentent un double intérêt. En adoptant cette forme de publication, le Parti communiste naissant exprime d'emblée le souci d'inscrire sa propagande dans le cadre d'une certaine expression, déjà ancienne et toujours singulièrement vivace, de la culture populaire. Dans ses contenus, cette collection permet d'apprécier comment le PCF a tenté de faire de l'almanach un instrument d'éducation politique des masses ouvrières et paysannes, auxquelles l'Almanach ouvrier et paysan s'adressait tout particulièrement. Mais eUe autorise également l'étude diachronique d'une vision du monde. En outre, parce que l'almanach, par définition, se situe dans le temps, elle constitue un vecteur privilégié de la mémoire historique.

La tradition politique de la Vendée

par Jean-Clément Martin

La Vendée s'impose depuis deux cents ans comme la terre de la tradition. Désignation vague, ambiguë, puisqu'on ne sait plus si le mot désigne un mécanisme de transmission ou une originalité régionale. L'évidence s'impose pourtant même si elle entraîne dans des explications hasardées ou des polémiques vaines pour comprendre l'origine et le maintien de la tradition. Faut-il se targuer d'une exigence de rigueur scientifique, réductrice des légendes et des mythes, et faire rendre gorge à une tradition vendéenne accusée de masquer « la réalité » et d'exploiter la crédulité populaire ? Ou faut-il se réfugier derrière la constatation du maintien sur deux siècles de comportements politiques et religieux, restés identiques à eux-mêmes, pour rendre compte, non moins légitimement, de l'authenticité de la tradition vendéenne ? Dans les deux cas, les exigences de l'histoire s'allient difficilement avec la présence de la tradition.

Versailles et l’idée républicaine

par Benoît Vermander

Versailles, dans l'opinion commune, représente spontanément la ville « traditionnelle » par excellence. Traditionnelle dans ses idées, dans ses comportements, dans sa politique. Et sans doute est-il quelque vérité en cette croyance générale. Encore faut-il s'entendre sur la nature même de cette tradition. Que Versailles aujourd'hui vote très majoritairement à droite, nul n'en saurait disconvenir. Mais sait-on que la ville eut l'une des municipalités les plus fermement opposées à l'Ordre moral, puis à dominance radicale des années 1880 à 1904, qu'elle élut en 1936 un député communiste, Jean Duclos, frère de Jacques, de 1945 à 1947 une municipalité de même couleur, que l'histoire politique de la ville est riche de débats, de changements soudains ou ambigus, de personnalités et d'épisodes liés aux événements nationaux ?

L’élite de la cohabitation - Enquête sur les cabinets ministériels du gouvernement Chirac

par Monique Dagnaud, Dominique Mehl

Mars 1986. La droite récupère les lieux de sa mémoire : les palais ministériels qu'elle n'avait jamais cessé d'habiter sous la Ve République jusqu'au coup d'assommoir des élections présidentielles de 1981. Elle retrouve ses habitudes, rétablit un ordre que la gauche avait quelque peu bousculé, distribue ses hommes (et quelques femmes, tableau 1) dans les coulisses du pouvoir.

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