Saint Bernard de Clairvaux

Bernard de Clairvaux

par LOBRICHON (G.)

«L’abbé Bernard de Clairvaux a été doté par l’esprit de Dieu de cette grâce merveilleuse de savoir parler et instruire autrui, plus que de la subtilité intellectuelle.» Voici comment un disciple d’Abélard présentait le célèbre abbé de Clairvaux, ennemi de son maître qu’il avait fait condamner lors du concile de Sens. Cette vision résume assez bien l’aura de Bernard auprès de ses contemporains. Il est à la fois un grand prédicateur, investi dans la réforme de l’Église et les affaires de son temps, aussi bien politiques que religieuses, si tant est qu’on puisse séparer les deux, et un moine révéré et craint. Auteur prolifique, ami fidèle et adversaire redoutable, Bernard est une personnalité incontournable en cette première moitié du XIIe siècle. Comment un jeune noble bourguignon a-t-il pu devenir une figure majeure de son siècle?? Pourquoi est-il demeuré l’un des grands noms du christianisme?? Les contributions réunies dans ce numéro tentent une approche globale de l’homme devenu saint et dernier Père de l’Église. De sa naissance à sa mort, et au-delà même, puisque sa légende et sa voix ont traversé les siècles, nous redécouvrons un être exceptionnel et, à travers lui, une époque passionnante et mouvementée.

La famille de Bernard de Clairvaux

par BOUCHARD (C.B)

En l’an 1100, la Bourgogne était peuplée de nombreux petits aristocrates et de nombreux monastères, dont l’installation en ces lieux était ancienne. Mais durant les premières décennies du XIIe siècle, un nouvel élan religieux déferla sur la région, alimenté dans une large mesure par Bernard, abbé de Clairvaux. Bien que ses parents ne fussent jamais entrés dans les ordres avant lui, ils le firent dès lors en masse, et nombre de nouveaux monastères cisterciens furent fondés par les membres de sa famille étendue.

Saint Bernard, moine

par HUERRE (fr. D.)

Le moine Bernard fut-il le réformateur que Luther admirait? L’ascète rigoureux dont se réclamaient Rancé au XVIIe siècle et Augustin de Lestrange au XVIIIe siècle? Le mystique que redécouvrirent au XXe siècle les cisterciens Jean-Baptiste Chautard, Vital Lehodey, Anselme Le Bail, Godefroy Belorgey? À ces questions, les études bernardines proposées à l’occasion des centenaires de la naissance et de la mort de Bernard permettent d’apporter des réponses plus justes.

Saint Bernard et l’emprise claravallienne

par TACCONE (R.)

Le 25 juin 1115, le jeune Bernard de Fontaine fonde l’abbaye de Clairvaux, l’une des quatre filles de Cîteaux. La verte plantation connaît un développement fécond pour s’imposer, dès la seconde moitié du XIIe siècle, comme une puissante maison mère, essaimant à travers l’Occident chrétien un nombre considérable d’établissements. Si ce rayonnement monastique repose essentiellement sur le rôle déterminant et l’action personnelle de l’illustre Bernard, cette expansion profite très largement au succès de l’ordre cistercien dans son ensemble qui connaît un essor sans précédent et s’impose rapidement comme un haut-lieu de la chrétienté.

Cîteaux et la fondation de ses quatre premières filles par l’image

par TRIVELLONE (A.)

Les images des premiers abbés cisterciens sont autant de sources sur la réception postérieure des origines de l’ordre. La miniature du manuscrit contenant le Commentaire de l’Apocalypse du franciscain Alexandre le Minorite ou Alexandre de Brême († 1271) en est un bon exemple. Elle propose en effet une lecture originale des débuts du réseau cistercien et plus particulièrement de la fondation des quatre premières filles de Cîteaux.

L’amitié et sa fonction dans le cercle de Bernard de Clairvaux

par MEWS (C.J.)

Guillaume de Saint-Thierry chérissait l’amitié qui le liait à Bernard de Clairvaux, et c’est à travers des échanges continus et étroits avec ce dernier qu’il développa sa propre réflexion sur l’amour. Tous deux étaient exemplaires d’un engouement plus large du XIIe siècle pour l’idéal de l’amitié, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’environnement monastique. Mais leur amitié avait aussi une fonction politique, visant à regrouper des ecclésiastiques qui partageaient leurs idées afin de poursuivre des buts similaires. Guillaume incita notamment Bernard à s’élever contre Pierre Abélard qu’il percevait comme menaçant de saper les liens de l’amitié spirituelle avec son esprit de questionnement. Le plus ironique dans l’histoire est qu’Abélard lui-même était sensible aux bienfaits de l’amitié, même s’il ne put jamais profiter d’un réseau de ce type comme le fit Bernard…

Saint Bernard et les grandes affaires de son temps

par CANTARELLA (G.M.)

Le schisme de 1130-1138, la deuxième croisade : Bernard fut en première ligne, il décida d’y être. Si ses écrits nous montrent clairement ce qu’il pensait et disait en ces occurrences, ils peuvent aussi nous aider à découvrir une dimension plus cachée et profonde de sa personnalité, sa fermeté, sa solitude aussi. Nous tenterons de le suivre à travers ses propres mots, afin de mieux saisir l’être intime de ce géant de la spiritualité, de la littérature et de la politique.

La lutte contre l’hérésie

par GRÉLOIS (A.)

Avec l’affirmation de l’Église catholique et la clarification de son dogme officiel, aux XIe et XIIe siècles, des dissidences rapidement qualifiées d’hérésies apparurent ou se développèrent. L’Église et ses champions, parmi lesquels Bernard, se mirent alors à proférer contre certains personnages ou groupes jugés dangereux des accusations violentes, et ce bien avant l’instauration de l’Inquisition. Qui étaient les hérétiques que l’abbé de Clairvaux entreprit de combattre? Comment tenta-t-il de les ramener dans le sein de l’Église?

Le génie de l’écriture

par BIRKEDAL BRUUN (M.)

Bernard de Clairvaux l’auteur est étroitement lié à Bernard de Clairvaux l’abbé et homme politique de l’Église. C’est un maître des stratégies rhétoriques dont les textes tissent une toile mêlant citations bibliques et expériences personnelles, encouragements et réprimandes. C’est avec une passion égale et un même souci permanent du détail linguistique qu’il traite le vaste champ de l’histoire du salut et les spécificités de la vie quotidienne monacale. S’il s’inscrit dans la continuité de la tradition, héritée des Pères de l’Église, de l’exégèse allégorique et de la typologie, il est aussi un auteur indépendant à une époque où l’autorité repose sur l’adhésion parfaite à la tradition.

Bernard de Clairvaux, une référence

par PAYAN (P.)

En février 1390, à Avignon, alors que l’Église d’Occident subit depuis douze ans le plus grave schisme pontifical de son histoire, un haut prélat aragonais, Martín de Zalba, reçoit des mains du pape d’Avignon Clément VII le chapeau de cardinal. Au moment de recevoir la pourpre cardinalice des mains d’un pape contesté par toute une partie de la chrétienté, Martín de Zalba peut ainsi se réjouir : «Au cœur même de ce grand schisme fleurit la sainteté, comme Bernard au temps d’Innocent II ou Thomas de Canterbury au temps d’Alexandre III, afin que par leurs miracles soit enseigné le peuple ignare qui ne peut atteindre ni comprendre les subtilités et les sommets du droit.»

Une canonisation difficile

par LOBRICHON (G.)

Les religieux de Clairvaux ont témoigné une authen­tique vénération à leur abbé Bernard de son vivant. Certaines de ses lettres et les préfaces de divers traités manifestent la puissance d’un lien paternel qui n’a d’égal que l’amour filial de ses moines. Lorsque Bernard rendit le dernier soupir, épuisé par les excès d’austérité, la fatigue et la maladie, ses proches à Clairvaux avaient commencé depuis des années à amasser récits personnels, témoignages des moines de l’ordre et récits de miracles.

L’iconographie de Bernard de Clairvaux dans l’art médiéval

par RUSSO (D.)

Difficile de montrer un saint d’autorité, et d’autorité de l’Église comme le fut saint Bernard de Clairvaux, aux soixante-trois années d’existence bien remplies? Pourtant, entre la fin de sa vie et les années 1530 environ, ce ne furent pas moins de neuf cent soixante-quatre «images» du saint que l’on peignit, sur livre et au sein des manuscrits, mais aussi sur les murs des couvents de l’ordre cistercien, sur le bois des retables, sur la pierre qu’on sculpta et sur les épreuves qu’on grava. Dans un travail récent, James France a souligné l’importance de tous les médias visuels pour supporter et favoriser le développement du portrait d’auteur de saint Bernard dans l’art médiéval à travers toute la chrétienté. Le thème est ancien dans la tradition icono­graphique de l’Église, après les Évangélistes et les docteurs de la foi, et il se retrouve à la base des figurations de Bernard tout au long de la mise au point et de la dissémination d’un type campé pour l’éternité.

L’image d’un moine qui n’aimait pas les images

par MAILLET (C.)

Selon ses contemporains, Bernard de Clairvaux était une image vivante, dont l’intériorité et la dimension spirituelle transparaissaient sur le visage. Le voir, c’était déjà se dévouer à lui. On ne connaît pourtant du moine aucune image matérielle réalisée de son vivant, sinon littéraire.

La postérité de saint Bernard aux XVIIe et XVIIIe siècles

par ICARD (S.)

Le XVIIe siècle fut une période de gloire pour saint Bernard, «le dernier des Pères de l’Église». Portée par une tradition écrite et une tradition de vie, sa postérité est considérable dans le catholicisme classique. Mais à l’aube du XVIIIe siècle, sa légende noire réapparaît, préfigurant la critique des Lumières.

Bernard de Clairvaux au XXIe siècle

par MELLERIN (L.)

Au rythme des grands anniversaires, le XXe siècle a vu considérablement progresser la recherche bernar­dine. En 1953, à la demande de l’ordre cistercien, débute la formidable entreprise d’édition critique des œuvres complètes de Bernard, orchestrée par dom Jean Leclerq.