Numéro 16

To jazz your lady

par Dominique Grimaud

Pour moi l'histoire de la musique n'est pas loin d'être aussi passionnante que l'écoute ou la pratique de celle-ci, son étude ou pour le moins son observation devrait être une activité parallèle pour tout auditeur ou pratiquant. Indispensable à la compréhension des musiques actuelles, cela permettrait aussi de couper court à bon nombres d'idées toutes faites et erronées. Par exemple, vous penseriez sûrement que j'exagère, si j'écrivais que le jazz est une musique d'origine française qui doit beaucoup à la musique militaire. Oui c'est vrai, c'est exagéré de dire cela, pourtant il y a là-dedans une bonne part de vérité et il est tout aussi excessif d'affirmer que le jazz n'est qu'africain.

Déficit des années antérieures

par Paul-Yves Bourand, Jérôme Noetinger

La réputation de DDAA se confond avec celle du label Illusion Production que le groupe conçut en mars 1979 pour pouvoir publier ses enregistrements. Après quelques années d'existence, les compilations internationales (la série "Sensationnel") et autres produits du label ont constitué peu à peu un hétéroclite assortiment d'emballages fantaisistes: le fameux conditionnement IPon. Ces temps-ci, nous avions l'impression que DDAA se faisait rare, les catalogues tombaient moins souvent dans les boîtes aux lettres. Le trio nous est revenu pourtant avec quelques disques et un nouveau spectacle: "La performance Maracayace", une saga ethnologique aux raisonnements absurdes qui trimbale le public, qui veut bien se prêter au jeu, entre pseudo-conférence et cérémonies tribales. Sur fond de bandes magnétiques, DDAA pratique la dérision à outrance: vidéos au contenu inexistant et squelettes musicaux d'une extrême indigence. Le confort de certains spectateurs est mis à mal par le suprême détachement qu'affichent les interprètes pour exhiber leurs pires trouvailles, ce qui vaut parfois à ces derniers de se faire traiter d'imposteurs. A l'artisanat de DDAA s'ajoute le dilettantisme: les portes du studio "Le Souterrain Scientifique" requièrent des températures clémentes pour s'ouvrir. DDAA attend donc les beaux jours pour enregistrer. Fin février, ils sont apparus à Rennes (en compagnie de leurs amis STPO) pour clôturer une semaine consacrée à l'évocation du mouvement DADA (conférences, théâtre, fìlms, expositions et concerts). Ils parlent.

Keiji Haino

par Jacques Debout

"Si la culture a un sens, elle est ce salut fraternel aux mânes des grands morts". Pierre Miction "C'est qu'on est jamais très tranquille devant un homme qui n'a pas peur". Francis Marmande (in Le Monde du 4/03/93) "C'est un brave-, il s'expose". Sobre périphrase guerrière lâchée par Jim O'Rourke, guitariste chicagoan, compositeur décloisonné et imbattable Monsieur Cinéma dévoyé en érudition musicale, précisant d'un trait sûr la nature de Keiji HA1N0. Profonde, bien sûr, cette nature, souhaitant que l'adjectif quantitatif en rajoute assez pour hâter cette présentation au couteau de "l'unbelievable" (merci, Jim) artiste japonais, la quarantaine passée, polissant son "art" depuis plus de vingt ans déjà, n 'en vivant (bien, mal?) que depuis deux ou trois.

Mars Cunningham

par Albert Durand

Mark CUNNINGHAM, trompettiste et guitariste américain âgé de 41 ans, se trouve, en ce début d'année, sous le feu croisé d'une double actualité: la récente tournée de sa nouvelle formation RAEO et la sortie chez DSA de "Mars Live". L'ultime rapport de MARS donne l'occasion de nous replonger dans l'ambiance d'une période musicalement explosive. Dans les années 76 à 78, le concept du groupe était simple, il fallait retirer une à une les structures qui jusque là avaient soutenu la pop et le rock. Ce cheminement ne pouvait conduire qu'à une musique faite essentiellement de bruits. Mark Cunningham revient sur cette époque et parle de RAEO son groupe d'aujourd'hui.

La société des timides à la parade des oiseaux

par Paul-Yves Bourand

Au commencement de l'année 1986, les clients médusés du label Illusion Production eurent la surprise de découvrir l'intrigante pochette en relief d'un 45 tours d'une formation inconnue: La Société des Timides à la Parade des Oiseaux. Les crayons de Jim B (le graphiste du consortium) y avaient donné vie à une brochette de personnages très propres sur eux et cernés par d'étranges volatiles: oiseaux mécaniques grimaçants et beaux objets en bois. Fils spirituels des bouillonnements créateurs du début du siècle (Dada, Surréalisme, Constructivisme...) qui mirent à mal nombre de conformismes, ces adeptes de la timidité se sont construits un monde sonore bien à eux et riche en perspectives. Après un interminable et discret cheminement dans l'obscurité, ils déploient enfin leurs ailes en pleine lumière. Profitons de l'occasion pour les observer avant qu'ils ne s'envolent vers d'autres deux. STPO? Une certaine idée des incarnations du Phénix: pluridisciplinaires

Petite histoire des maîtres musiciens de Jajouka

par Bachir Attar

La musique de jajouka a dit-on 4000 ans - un groupe de rock quatre fois millénaire disait Burroughs - . C'est une musique "spirituelle" qui se transmet de génération en génération au sein d'une même famille : la famille Attar. Pendant longtemps, ce fut la musique des rois car il n'y avait d'après eux aucune autre musique oui pouvait leur "convenir". Mes ancêtres jouaient au palais le matin et le soir uniquement pour le roi. Des papiers ont été signés de sa main assurant aux musiciens royaux liberté et respect. Nous étions en quelque sorte une caste d'intouchables. Bien sûr, ces papiers étaient pour nous plus importants que la propriété terrienne, ce qui faisait naître la jalousie des villages alentours. Lorsque les Espagnols et les Français sont arrivés, ils nous ont dénoncés sous un prétexte fallacieux, puis profitant de notre emprisonnement ont volé les papiers sacrés. A ce jour, les papiers ne nous ont toujours pas été rendus.

Pierre Berthet

par Patrick Vancayezeele

Il est des artistes dont l'art subjugue dès les premières mesures. Il est des musiques qui étonnent par leur nudité, mais qui confondent de beauté et de présence. Il est des rythmes que le corps assimile par chaque pore, faisant vibrer chaque molécule de l'être. Pierre Berthet est de ceux qui s'offrent le luxe du dépouillement, et qui vont à l'essentiel dans leur vie, leur pensée, leur art. Voici regroupés par thèmes quelques éléments de découverte d'une personnalité peu commune, et d'une pratique de la percussion pas comme les autres (Texte librement inspiré d'une interview réalisée chez Pierre Berthet à Liège le 6 février 199

Musiques electroacoustiques : Quelques enregistrements récents

par Jérôme Noetinger

Sélection non exhaustive, sous le titre général d'électroacoustique, car on y retrouve aussi bien des musiques sur bande que des musiques mixtes.

Défilé de film décadré

par Art Toung

Les 27 et 28 février et les 6 et 7 mars 1993 s'est déroulée l'exposition "Dénié : De Film : Décadré" à la Zonmééé à Montreuil, organisée par Scratch. La Zonmééé est une ancienne usine squattée de manière plus ou moins officielle par une association qui organise des expositions, des projections de films expérimentaux, des performances... C'est un lieu ouvert qui s'étend sur des centaines de m2 et qui a ouvert ses trois étages à cette exposition unique. Sur deux week-ends, ce fut l'occasion de découvrir le travail de plusieurs artistes ou groupes travaillant "le film comme installation " et participant à l'idée de cinéma élargi.

O.O. Discs

par Jérôme Noetinger

Le label O.O. Discs est étroitement lié à la personne de Joseph Celli qui le dirige depuis le début. Compositeur, hautboïste, Joseph Celli se passionne pour les musiques extra-occidentale, de Corée, du Japon ou d'Afrique. Sans jamais tomber dans l'esprit détestable de la "world-music". Au contraire de l'intégration réductrice, ses projets avec d'autres musiciens regroupés notamment dans les deux CDs "No World Improvisation" (en duo ou en trio, avec Jin Hi Kim et des invités) veulent consevrer les caractéristiques, les différences de chaque culture, ne pas reproduire les schémas de la musique traditionnelle mais s'en inspirer pour essayer de créer une tradition propre au musicien. Cet intérêt pour la musique extra-occidentale l'amène à étudier la musique traditionnelle coréenne et à inviter des musiciens aux Etats-Unis pour des stages ou des concerts. Il commence également à importer des disques du Japon qui présentent les compositeurs de l'avant-garde actuel. Mais O.O. Discs est aussi là pour promouvoir le travail de nouveaux compositeurs américains comme David First, ou d'autres moins connus comme Jerry Hunt, Orlando Jacinto Garcia...