Zibaldone !

L’esprit whig sans l’élitisme

par Penelope Corfield

Entretien avec Edward Palmer Thompson (1992) La Formation de la classe ouvrière anglaise a mis plus de vingt ans à être traduite en France : c’était à la fin des années 1980, sa lecture est restée un émerveillement. Pionnier de l’« histoire vue d’en bas », attentif aux processus et interactions individuelles plus qu’aux superstructures, militant pacifiste soucieux de politique non gouvernementale, Thompson compte parmi les figures intellectuelles dont l’œuvre sert de balise. Son parcours, ici retracé, mobilise les trois derniers siècles. Où il apparaît que, face à l’histoire courte, c’est d’une connaissance des possibles passés que nous avons besoin pour tenir et ouvrir le présent.

Témoignage : Les États-Unis (1885-1915), récitatif (extraits)

par Charles Reznikoff

Les poèmes de Testimony sont composés à partir de témoignages judiciaires prélevés dans les archives de tribunaux américains, retranscrits et versifiés, sans ajout ni réécriture. « La poésie de Charles Reznikoff est un choix : l’événement, ses moments (les vers), son récit (le poème). Aucune idée ici ne dépasse qui n’a pas été inscrite dans ces choses, les paroles, dites par ceux qui ont vu, ou rapportées de ceux qui sont morts ». C’est ainsi que Jacques Roubaud a pu présenter (dans la Revue de littérature générale 96/2) ces poèmes qu’il a traduits.

Oulipismes

par Miller Levy

Certains de ces « oulipismes » — l’intitulé est de l’artiste — ont été rassemblés dans un ouvrage du même nom (Les éditions du Beau Parleur, Paris 2008). Sur la couverture (un autre Que sais-je ? recomposé) : La littérature du hasard.

Commentaires sur le rock

par Luciano Berio

En 1968, Berio crée Sinfonia, chef d’œuvre qui organise un « jeu collectif » d’éléments, de situations, de significations. Ses propos sur le rock s’inscrivent dans cette démarche. Il y parle aussi bien des Beatles que de Schoenberg, entremêlant considérations techniques d’écriture musicale et analyse sociale et politique de la musique. Il y pense, en compositeur contemporain, le bouleversement que constitue l’avènement sonore du rock. En déplaçant les catégories de « musique savante » et « musique populaire », Berio énonce autant une esthétique qu’une politique.

Chats, vaches, cochons…

par Chris Marker

Ces textes ont été publiés dans Esprit entre 1947 et 1952. Signés C.M., ils y figuraient dans une rubrique collective de la revue intitulée « Journal à plusieurs voix », pêle-mêle joyeux et vivant où les collaborateurs de la revue répercutaient, en les diffractant, les rumeurs du monde. Les cinq premiers textes ici repris sont parus dans le n°130 d’Esprit (février 1947), les deux suivants dans le n°131 (mars 1947), les deux derniers, respectivement dans les n°134 (juin 1947) et 186 (janvier 1952). Le titre donné à cette sélection incombe à Vacarme.

L’universalité vue de la Chine

par Anne Cheng

Les voies d’investigation très singulières d’Anne Cheng, et son savoir généreusement encyclopédique, lui donnent une rare acuité d’analyse dans le concert de clichés sur « la » Chine qui saturent aujourd’hui les discours. Complexe et lumineux à la fois, son travail opère un décentrement salutaire pour conjurer le « vol de l’histoire » (Jack Goody) dont l’Occident a été coutumier. Il souligne et restaure, comme dans cette conférence prononcée en 2004 devant la Ligue des Droits de l’Homme, la relativité de certains discours universalistes.

Quelques gestes

par Serge Daney

Qu’il lise une partie de tennis, une image de télévision ou un film, c’est avec le cinéma que Daney a inventé ses outils pour penser le monde : un monde irréductiblement social et politique qu’il éclairait de son regard d’amateur. S’attachant ici à décrire « quelques gestes » arrêtés dans des photogrammes de matchs de ping-pong filmés au Japon, Serge Daney semble rejoindre sa rêverie sur l’enfance du cinéma et les images de Muybridge ou de Marey. Le mouvement du sportif comme première image de cinéma.

La voix de Dostoïevski

par Natacha Wolinski

Entretien avec André Markowicz L’image des « passeurs » peut bien, pour désigner critiques, journalistes ou traducteurs, être usée jusqu’à la corde : à cette corde-là, s’arrime encore notre désir. Parce qu’au fil d’un entretien exemplaire lu en 1993, on a appris qu’une entreprise herculéenne pouvait être une façon de fuir (traduire tout Dostoïevski pour n’avoir pas à affronter Pouchkine). Parce qu’on a mesuré, d’un exemple, comment faire de la traduction une effraction dans la langue.