Numéro spécial soulèvements

Soulèvements de l’intelligence ?

par Yves Citton

Pour son cinquantième numéro et ses douze ans d’existence, Multitudes a ouvert ses pages à une multiplicité de collectifs en actes. Ils sont tous multiples, divers, éclatés, hétéroclites, irréductibles à quelque principe unifiant que ce soit. C’est peut-être la conscience de cette multiplicité et de cette irréductibilité qui constitue leur seul véritable point commun : contre un gouvernement tyrannique (en Syrie), contre les inégalités et les folies de la finance (en Espagne, aux USA), contre des politiques d’austérité (en Grèce), contre un blocus asphyxiant (en Palestine), contre la corruption autocratique (en Russie), contre la répression sécuritaire (omniprésente), contre les barrages (en Inde, au Brésil), contre le TGV (en Italie), contre la privatisation de l’éducation (au Chili, au Canada), contre l’étouffement néolibéral (en Roumanie, en Israël, à Paris), contre la domination masculine et les discriminations sexuelles (en Chine, en France et ailleurs) – ça se soulève de partout, mais partout selon des modalités, avec des visées et des motivations sensiblement différentes.

Se soulever, pour que l’intellect général puisse avoir un corps

par Franco Berardi Bifo

Pendant trois décennies, le dogme économique a dominé le discours public, et c’est seulement depuis 2011 qu’il s’est trouvé mis en débat d’une façon radicale. À la décision politique se sont substitués des automatismes technolinguistiques incorporés à la machine globale des interconnexions. Seule l’activité intellectuelle des travailleurs de l’informatique, et plus généralement de la connaissance, pourra surmonter la dictature de l’automatisme financier. L’écroulement extraordinaire du capitalisme financier global, et particulièrement l’effondrement du système financier européen marquent le début d’une insurrection dont les premiers signes se sont manifestés à Londres, Athènes et Rome le 14 décembre 2010, et qui a pris une forme massive durant les quatre nuits de rage de la périphérie anglaise en août 2011.

Des corps en public Remarques faites à Zuccotti Park, le 23 octobre 2011

par Judith Butler

Je suis venue ici aujourd’hui pour vous apporter mon soutien, pour vous offrir ma solidarité, face à ce geste sans précédent de démocratie et de volonté populaire. Certains ont demandé : « Mais quelles sont les revendications ? Quelles sont les revendications que tous ces gens exigent ? » Soit on dit qu’il n’y a pas de revendication, et cela sème le trouble parmi vos critiques – soit on dit que les revendications d’égalité sociale et de justice économique sont des exigences impossibles à satisfaire.

Car Montréal, cette ville, ma ville, s’enflamme, mais n’est pas en flammes du tout

par Thierry Bardini

Il y a sept ans, mes amis de CTheory m’avaient demandé d’écrire au sujet des manifestations et émeutes qui grondaient dans les rues de Paris, ma ville natale. Je ne pouvais pas le faire depuis Montréal, leur avais-je répondu. À la place, j’avais donc écrit quelques lignes au sujet de l’expérience étrange de la politique à distance, des sentiments confus de celui qui voit sa ville brûler à travers les lentilles du dispositif médiatique.

Le politique court‑circuité : préemption et contestation

par Brian Massumi

De l’avis de plusieurs, l’adoption par le gouvernement Charest de la loi spéciale 78 dépasse les bornes. Les contraintes formelles visant à limiter la liberté d’association et l’exercice de la liberté d’expression ont été contestées devant les tribunaux par des associations étudiantes soutenues par une coalition de 140 organisations issues de la société civile. La mesure d’urgence a provoqué un tollé médiatique à l’échelle internationale, plusieurs y allant de parallèles avec la Russie de Poutine, tandis qu’Amnesty International ne mâchait pas ses mots pour dénoncer la situation.

S’indigner à Athènes. Pathologies d’un mouvement

par Charitini Karakostaki

C’est un bel après-midi de la fin du mois de mai 2011. La place centrale d’Athènes, la place Syntagma, lieu emblématique de l’histoire du pays et symbole de la démocratie, se fait l’épicentre d’une mobilisation spontanée des milliers des gens qui s’y rendent pour témoigner de leur indignation. Le matin du même jour, un appel officieux a été lancé par un jeune étudiant à Athènes et a circulé rapidement par le biais des médias sociaux (Facebook, Twitter) : «Sur les traces des manifestants espagnols, nous nous retrouvons tous ce soir, 25 mai 2011, à 18 heures, à Syntagma, pour manifester notre indignation». La réaction est immédiate. Jusqu’au moment du rendez-vous, trois mille neuf cents personnes font part de leur intention d’y participer.

Ethnographie de l’acampada. La politisation à marche forcée de la génération perdue

par Juan E. Serrano-Moreno

Le dimanche 15 mai 2011 une manifestation convoquée par Internet avec les slogans « Prends la rue ! » et « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiciens et des banquiers! » a rassemblé contre toute prévision des millions d’Espagnols, notamment des jeunes touchés par la crise économique de 2008. Le lendemain, à Murcie, comme ailleurs dans le pays, une trentaine de personnes, qui avaient appris via Tweeter et Facebook que des manifestants, la veille, avaient été expulsés par la police à la Puerta del Sol de Madrid, se sont retrouvées sur la place de la Mairie et ont décidé de dormir sur place.

Ils ne nous représentent pas !

par Gabriela Berti

Il y a un an en Espagne le 15 mai 2011 surgissait le mouvement appelé le 15-M, aussi connu comme « Spanish Revolution » (sur Twitter), ou comme le « mouvement des indignés » (comme le nomma la presse en référence à l’opuscule de Stéphane Hessel). Du 12 au 15 mai 2012, de nombreuses activités ont eu lieu pour ce premier anniversaire, et de nouvelles raisons ont poussé les gens à remplir encore les places et à manifester dans 87 villes de toute l’Espagne, mais aussi dans 50 pays du monde.

Des fragments sur l’art, la responsabilité et le bonheur

par H.arta

Nous avons étudié pour devenir artistes. L’art a été le contexte où nous nous sommes rencontrées et où nous avons commencé à travailler ensemble, il y a 11 ans. Nous avions juste fini une faculté dans laquelle l’effort principal était de trouver une forme qui aurait un rapport, le plus lointain possible, le moins saisissable, avec la concrétude de la vie réelle, avec les choses quotidiennes, avec les émotions, avec le corps, avec l’anxiété envers le futur, envers les conditions de la production artistique et le rôle de l’art dans la société.

Croquer les pieds de porc salés

par Monique Selim, Wenjing Guo

À Canton, des jeunes filles au nombre d’une dizaine ont le 8 mars 2012 croqué dans la rue des pieds de porc salés munies de gants de plastique pour ne pas se salir. Elles brandissaient des panneaux où était écrit entre autres : « éloigne-toi de ma copine » « être séduisante n’est pas une faute ». Cette petite manifestation politique entendait lutter contre le harcèlement sexuel au travail, au moyen de la mise en scène d’une métaphore connue de tous.

Prendre place au‑delà de la répartition des places

par Lin Chalozin Dovrat

Lin Chalozin-Dorat, linguiste, est membre de la Coordination nationale du mouvement des campements, mouvement israélien pour la justice sociale). Elle a débuté comme militante dans le mouvement Taayush (« Coexistence ») regroupant des citoyennes israéliennes et palestiniennes militant en faveur de la paix.

La révolution syrienne, deuxième génération

par Farrid-Frédéric Sarkis

Il a été plus tardif que dans d’autres pays arabes et certains se demandaient pourquoi ? La principale raison est que les gens avaient le souvenir du massacre de Hama en février 1983. En 3 semaines 30 000 personnes environ ont été tuées par le père de Bachar el Assad. Il peut y avoir d’autres raisons de ce retard qui tiennent à la structure familiale très protectrice et une situation économique peut-être moins défavorable que dans les autres pays arabes.

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