Serge Kantorowicz

Nouvelle école philosophique

par Tadeus Rozewicz

C’était fin octobre, peut-être fin novembre de l’année 1945. Je frappais à la porte blanche. Derrière la porte, se faisait entendre comme un murmure, comme la voix de gorge d’une grosse bête. J’entrais dans l’antre du philosophe. C’était l’éminentissime philosophe contemporain polonais – il aurait été l’élève d’Husserl.

Le Jardin

par Jean-Claude Guillon

J’ai installé mon fauteuil sous le cerisier. En fait, ce n’est pas un fauteuil, un transatlantique plutôt, que Yoto a perfectionné avec un système de tiges. Une manette à ma main droite me permet de le mettre en position horizontale ou en position assise en profitant de tous les intermédiaires. De plus, Yoto l’a monté sur un axe vertical qui lui sert de pivot. Je peux donc regarder vers le le jardinfond du jardin ou, en pivotant, vers la maison.

Le tueur du dimanche

par Dieter P.Meier-Lenz

Quand le week-end approchait, il se réjouissait déjà de son dimanche, car ce jour-là il allait toujours tuer. Au fil du temps, tuer était devenu son activité préférée. Selon lui, si quelqu’un ne trouvait pas le moyen de s’adonner à son violon d’Ingres, ce n’était jamais faute de temps, mais faute d’avoir vraiment envie de le pratiquer. C’est pourquoi, pendant la semaine il s’accordait toujours quelques heures, le soir, pour les préparatifs de son plaisir dominical.

Dans la chambre

par Richard Huitorel

C’est un malentendu. L’homme allongé sur le lit, faible, pâle, transpirant, ne peut pas être moi. Ce n’est pas moi. Ce n’est pas mon corps. Mon corps est bronzé, musclé ; il se tient debout, se baisse, se relève, travaille, transpire ; il ne se repose que le soir venu, après des heures d’efforts silencieuses au soleil.

Première leçon

par Anne Banville

Surtout, mets-toi bien ça dans la tête : tu gagnes une misère quand tu fais assistante de vie. Tu crois que c’est une vie, assistante de vie ? Ecoute un peu, assistante de vie, explique-moi, qu’est-ce que ça veut dire ? et maintenant on te fait la publicité pour les métiers du grand âge. Je rêve. Ah ah ah ah !

Un penchant pour le vide

par Samuel Ico

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Le briquet

par Irène Duboeuf

Un briquet noir. En plastique. De ceux qu’on trouve à un euro sur le comptoir des bars-tabac. Oublié, posé à côté d’un clavier d’ordinateur. Cathy se précipita dans le couloir. — Monsieur ! C’est à vous ? Un jeune homme se retourna, l’air mi-absent, mi-interrogateur. — Oui. Merci. À bientôt ! — À bientôt ?

La Bête

par Thomas Vinau

Il respira un grand coup en ouvrant les yeux. Ce matin, c’était l’odeur de la poussière mouillée qui dominait, l’odeur qui traîne toujours dans les vieilles maisons en pierre, ce mélange de calcaire, de crépi, de moisi et de terre humide. Le sol était en terre battue, tassée par des milliers de pas à travers le temps.

Café au lait

par Michel Lamart

J’étais mal. Je me fis du café. Pour y dissoudre quelques idées noires. Mais pas toutes. J’aime l’amertume de ce breuvage. Le sucrer serait sacrilège. J’aime le siroter très chaud. J’aime quand il me râpe et la langue et la gorge. Le café, c’est la ciguë du condamné à vivre. La radio radotait. C’est sa fonction. Tu te lèves et tu l’allumes. Un réflexe. Et s’écoule toute la sanie du Monde.

Pas de roman, bonne nouvelle !

par Christiane Rolland Hasler

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