La célébrité de l’île de Pâques donne souvent à penser que tout y a déjà été étudié, fouillé et disséqué. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’en est rien. Il fallut longtemps avant que les scientifiques ne s’intéressent à ce petit domaine. La première étude d’envergure ne fut publiée qu’en 1891, plus d’un siècle et demi après la découverte de l’île par les Européens, alors que les insulaires avaient quasiment disparu sous le coup de maladies importées et d’exactions. Les premières fouilles archéologiques remontent à 1914, les suivantes seulement à 1955. Rapa Nui est un sujet récent pour la recherche : les études anthropologiques et archéologiques n’ont pris leur plein essor que dans les années 1980.
Île de Pâques
Un siècle et demi de recherches à Rapa Nui
La théorie de l’éco-suicide
Y aurait-il eu un effondrement de la population rapanui suite à une surexploitation des res- sources naturelles, un « écocide » ? C’est la théorie qui a été avancée à partir des années 1990. Elle est aujourd’hui battue en brèche.
Résoudre le mystère de l’écriture de l’île de Pâques
La mission franco-belge de 1934-1935
Loti et la notoriété de la culture rapanui
C’est au début de l’année 1872 que Julien Viaud – qui deviendra un écrivain célèbre sous le pseudonyme de Pierre Loti – découvre l’île de Pâques alors qu’il entame sa carrière d’officier de marine. Âgé d’à peine 22 ans, il entre alors en contact avec les derniers Rapanui. Conscient d’être le témoin d’une culture à l’agonie, il note ce qu’il voit, réalise nombre de dessins, acquiert des objets. De son aventure, il tire un récit, publié dans le journal L’Illustration. En 1899, dans Reflets sur la sombre route, il re- prendra son texte original augmenté d’informations nouvelles, notamment concer- nant l’écriture rapanui.
Mais d’où viennent les Rapanui ?
Les thèses les plus diverses circulent régulièrement sur l’origine des Rapanui, oubliant qu’ils sont pleinement polynésiens et qu’à ce titre ils relèvent du vaste mouvement colonisateur parti du Sud-Est asiatique dès le IIIe millénaire avant notre ère, pour atteindre vers l’an mil les confins du Pacifique (Hawaii, Nouvelle-Zélande, Rapa Nui). L’archéologie, la linguistique, la génétique, la parasitologie, l’économie et les discours culturels…, tous affirment désormais ce grand mouvement de peuplement du Pacifique central et oriental au départ de l’Asie insulaire.
Trois questions à… Evelyne Heyer
L’étude de 15 génomes issus des collections du musée de l’Homme vient remettre en cause la thèse d’un effondrement de la population rapanui au XVIIe siècle. Elle permet aussi de dater la rencontre avec le continent américain.
L’alimentation des anciens habitants de l’île de Pâques
Comment vivaient les Rapanui, les anciens habitants de l’île de Pâques, il y a plusieurs siècles ? Et surtout, que mangeaient-ils ? Pour le savoir, les anthropologues se penchent sur une source d’information directe et inestimable : les restes humains et plus précisément les os et les dents. Mais leurs investigations ne s’arrêtent pas là. Ils cherchent aussi à comprendre comment des facteurs comme le sexe, l’âge ou le statut social pouvaient influencer l’accès aux différentes ressources alimentaires.
La gestion de l’eau douce
« Et j’ai vu les naturels de l’île de Pâques boire de l’eau de mer, comme les albatros du cap Horn. » En avril 1786, l’explorateur français Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse (1741-1788), visite l’île de Rapa Nui. En tant que marin, il est particulièrement attentif à l’approvisionnement en eau potable de ses équipages, d’autant que de précédents observateurs ont déjà signalé que l’eau de source est peu abondante sur Rapa Nui et, le plus souvent, mauvaise car saumâtre. À cela s’ajoute une observation qui laisse perplexe : La Pérouse voit les habitants boire de l’eau de mer sans en éprouver les effets habituellement très nocifs sur le corps humain. Qu’a donc vu exactement La Pérouse ?
Des arbres sacrés sur Rapa Nui ?
Dans de nombreuses sociétés de Polynésie orientale, les arbres étaient vus non seulement comme des ressources écologiques essentielles, mais aussi comme des dons divins. Considérés comme des émanations des dieux, ils étaient souvent plantés sur des sites sacrés, tels que les marae des îles de la Société et les me’ae des Marquises. Ils servaient d’intermédiaires spirituels, leur présence reliant, de façon physique et symbolique, l’humain au divin. Si nous ne disposons d’aucune tradition orale de ce genre pour Rapa Nui, des pratiques similaires, adaptées aux conditions environnementales locales, ont pu y exister comme le suggèrent des découvertes archéologiques récentes.
Île de Pâques contemporaine
De l’arrivée des premiers Européens en 1722 jusqu’au milieu du XIXe siècle, les contacts avec les Occidentaux sont restés très ponctuels. La situation change dramatiquement à partir des premiers raids esclavagistes des années 1860, puis avec l’annexion chilienne de 1888 qui conduit à la transformation de l’île en vaste ranch et au confinement de la population. Il faudra attendre les années 1960 pour que les Rapanui reconquièrent leurs droits civiques et s’affirment dans toute leur identité polynésienne.
Le renouveau culturel de Rapa Nui
Depuis les années 1970, Rapa Nui est souvent décrite comme un « musée en plein air », propre à susciter le tourisme – activité privilégiée par le Chili qui y voit la principale ressource économique de l’île. Pour les Rapanui, descendants directs du petit groupe ayant survécu aux ravages du XIXe siècle, l’île est le « nombril du monde », c’est-à-dire le centre de leur vie, de leurs aspirations, de leur histoire et de leur avenir, un lieu à protéger et à transmettre aux générations futures. Elle est aujourd’hui le théâtre d’un déploiement identitaire marqué par une relation particulière au passé, à la fois mélancolique et empreinte de fascination.