L’artiste muséologue

Des musées à rédéfinir

par André-Louis Paré · trad: Käthe Roth

Le Musée ne suffit pas est le titre intrigant d’un livre qui se veut le premier volet d’une réflexion collective amorcée par l’équipe du Centre Canadien d'Architecture concernant le rôle des institutions et les défis à relever face aux «problématiques sociales contemporaines». Quels enjeux privilégier lorsqu’il s’agit d’exposer des oeuvres, sinon des archives ? Comment les aborder ? Que ce soit les musées d’art ou d’architecture, ne doit-on pas proposer au public une expérience sensorielle et intellectuelle qui soit autre chose qu’un simple divertissement ?

Chrystel Lebas au musée d’histoire natuelle de Londres : The Sir Edward James Salisbury Archive re-visited

par Geneviève Chevalier · visuels: Edward James Salisbury, Chrystel Lebas · trad: Oana Avasilichioaei

La création des musées d’histoire naturelle au 19e siècle découle d’un chamboulement des typologies muséales et de l’aliénation de certaines collections par les musées encyclopédiques, comme ce fut le cas pour le Musée d’histoire naturelle de Londres (NHM) dont les collections étaient autrefois intégrées à celles du British Museum1.En ce sens, l’histoire de ces collections – dont les origines remontent souvent au 17e siècle – est intimement liée à celle du colonialisme.

Dialectiques du verre et de la vitrine : Préface à la trosième édition de Walid Raad

par Elif Karakaya · visuels: Walid Raad · trad: Catherine Barnabé

Le «dispositif d’exposition» moderne repose sur des vitrines de verre qui renferment, répartissent et classifient les objets. Pourtant, le verre, qui dans une galerie agit comme médiateur à la vision, est souvent ignoré en raison de sa transparence et devient un support invisible. Comme je vais le démontrer, Préface à la troisième édition de l’artiste libano-américain Walid Raad remet en question la neutralité habituellement attribuée au verre.

Poétique de la régie d’oeuvre : chorégraphier la collection

par Cécile Camart · visuels: Béatrice Balcou · trad: Jo-Anne Balcaen

Sur la scène de l’auditorium du Louvre, un relief en terre cuite de l’atelier des Della Robbia est placé sous des caméras prêtes à ausculter la surface du Saint Sébastien, entre les plis de la chair; là, deux régisseurs déplacent, sur un charriot sanglé, deux bustes sculptés – l’un par Girardon, l’autre par Coysevox – et les déposent sur les socles conçus pour une scénographie éphémère; ici, des cartons exceptionnels de Le Brun sont délicatement élevés. Pendant une heure, une conservatrice dévoile les caractéristiques physiques et le contexte culturel d’une oeuvre, choisie dans la collection du musée pour sa nature emblématique, à raison d’une séance mensuelle.

Les collections en leur absence. Jérôme Bel au MoMA et le tournant performatif

par Mélanie Boucher · visuels: Jérôme Bel · trad: Bernard Schütze

Dans le cadre du programme Artist’s Choice qu’il initie en 1989,le MoMA o“re une carte blanche à un•e artiste afin d’y réaliser une installation à partir de ses collections. La onzième carte blanche est, pour la première fois, en 2016, octroyée non pas à un artiste en arts visuels, mais à l’homme de théâtre et chorégraphe français Jérôme Bel.La pratique de Bel entretient des liens avec celles de Xavier LeRoy etde Boris Charmatz, dont les chorégraphies ont également, depuis une douzaine d’années, mais dans d’autres contextes, été présentées au MoMA, et est influencée par la danse post-moderne américaine des années 1960, dont le Judson Dance Theatre. Le MoMA commence à les collectionner à partir des années 2000 grâce au travail étroit qu’il entreprend avec les artistes pour définir les modalités de reproduction des oeuvres qui viennent également enrichir les modalités d’expression de la carte blanche.

Tense Past et Unsettled : la décolonisation des musées australiens

par Jacqueline Millner · visuels: Tony Albert, Julie Gough, Henry Hellyer, Genevieve Stewart, Fanny Babuk... · trad: Catherine Barnabé

« L’un des objectifs à long terme de mon travail est de voir mes peintures retourner dans les pages des manuels d’où proviennent la plupart des images qu’elles contiennent, où elles pourraient agir comme ancrage autour duquel un type de savoir plus “éclairant” pourrait circuler1. » C’est ainsi que le regretté artiste aborigène Gordon Bennet expliquait comment il se voyait être en conversation directe avec l’histoire qui a défini son héritage et sa place dans le monde. Le dialogue de Bennet va au-delà des manuels scolaires pour s’étendre jusqu’au rôle pédagogique culturel plus large du musée, une approche qui a intéressé plusieurs artistes reconnus des Premières Nations australiennes quant à la déconstruction du rôle du musée dans le récit colonial et sa « garde » des objets autochtones ainsi que ses devoirs en matière de rapatriement. Quel est l’héritage contemporain de ces critiques postcoloniales qui perdurent ?

Exister simultanément : fiction et archives chez Fabiano Kuenva

par Emmanuelle Choquette · visuels: Fabiano Kueva · trad: Oana Avasilichioaei

Depuis plus d’une décennie, Fabiano Kueva, artiste et commissaire basé en Équateur, s’intéresse à la question des archives en tant que mode subjectif de représentation culturelle et historique. Après s’être plongé dans les travaux du géologue Theodor Goldschmid (1896-1982), plus particulièrement dans ses voyages en Équateur vers 1939, Kueva s’est penché sur la figure controversée d’Alexander von Humboldt (1769-1859), explorateur-naturaliste allemand. En 2011, en marge de la célébration du 250e anniversaire de naissance de Humboldt, il commence le projet de recherche multifacettes Archivo Alexander von Humboldt.

En différé : une conversation entre Martin Désilets et Anne-Marie St-Jean Aubre

par Anne-Marie St-Jean Aubre, Martin Désilets · visuels: Martin Désilets · trad: Bernard Schütze

Le photographe Martin Désilets a amorcé son projet Matière noire, en 2017, lors d’une résidence d’artistes, au Couvent des Récollets à Paris. Ce corpus d’oeuvres déjoue les attentes en proposant des images qui s’éloignent de l’idée de la photographie comme double de la réalité, fixant le présent d’un moment fugitif appelé, autrement, à disparaitre. Ces images paradoxales, minimalistes et denses à la fois, exigent un ralentissement du regard pour en contempler les nuances et s’interroger sur la nature de ce qui est donné à voir et à percevoir.

Eve Tagny et Io Makandal, What is a weed ?

par Florence-Agathe Dubé-Moreau · visuels: Eve Tagny, Io Makandal

Le projet collaboratif What is a weed? s’est déployé dans le cadre du programme d’expositions satellites SIGHTINGS organisé par la Galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia. Il entrelace les pratiques des artistes Eve Tagny, basée à Tiohtià:ke/Montréal, et d’Io Makandal,basée à Johannesburg, en Afrique du Sud.

Oliver Laric, Timelapse

par John Gayer · visuels: Oliver Laric

Though change aµects all materials, much of what transpires cannot be seen. It is a condition that calls up that proverbial question: If a tree falls in the forest and no one hears it, does it make a sound? That proposition underlies Timelapse, Oliver Laric’s contemplative exhibition. The presentation, which places an emphasis on the processes of evolution and decay, also explores the intervals of time and space and their role in the acquisition and interpretation of empirical information.

Catherine Bolduc, Cosmétique de la fin

par Hélène Brunet Neumann · visuels: Catherine Bolduc

Les oeuvres de l’exposition Cosmétique de la fin, inédites pour la plupart, révèlent une approche renouvelée de plusieurs explorations développées au fil des années. Le thème du volcan, pleinement assumé, prédomine et sert de liant entre les différentes propositions. Les codes et motifs des oeuvres sur papier inspirent les formes sculpturales, mettant de l’avant la perméabilité des médiums.

Making Space

par Ray Cronin · visuels: Renée Van Halm, Mitch Mitchell

Since the 1970s, the category “sculpture” in contemporary art has expanded so far beyond its modernist and pre-modernist boundaries as to become almost universal. Beyond two-dimensional painting, what art form hasn’t recently been considered sculpture? Or, at least, sculptural? Few, indeed.

Fanny Mesnard, Ondes élastiques - Les faunes s’agitent encore dans l’épaisseur du bois

par Bénédicte Ramade · visuels: Fanny Mesnard

L’exposition de Fanny Mesnard porte bien son titre, Ondes élastiques, tant le mouvement doux de ses nombreuses sculptures en rotation amène l’ensemble installatif qu’elle a orchestré à la Maison des arts de Laval à se transformer sans cesse. Littéralement animée, la grande salle plutôt sombre joue de l’éclairage théâtralisé pour charger l’espace de croyances, de mythes, de récits qui se déplacent sans cesse. Le corpus d’oeuvres réalisé par Fanny Mesnard, à l’occasion de la neuvième Manif d’Art de Québec en 2019, prend ici place aux côtés de nouvelles productions, près d’une trentaine en tout.

Francys Chenier, Comme des poussières illuminées par le soleil

par Jean-Michel Quirion · visuels: Francys Chenier

L’artiste, auteur et bibliothécaire Francys Chenier présente, à Arprim,Comme des poussières illuminées par le soleil, une installation in situ évolutive, interactive et performative qui rassemble des interventions textuelles et visuelles. La proposition résulte de projets antérieurs réalisés dans diµérents contextes et lieux comme le 3e impérial (Granby, 2019-2021), l’OEil de Poisson (Québec, 2018), Caravansérail (Rimouski, 2017) et la biennale VIVA ! Art Action (Montréal, 2015), qui sont des instants transitoires de réflexion et de création. Dans sa plus récente exposition, Chenier représente les confins de l’écriture exploratoire et ses insondables dimensions; des actes d’imagination textuels au potentiel poétique.

Robb Jamieson et Dominique Sirois, Low Rise Sun

par Julia Skelly · visuels: Robb Jamieson, Dominique Sirois

When an exhibition or art practice incorporates clothing, is it unfair to expect the artist to critically engage with issues of gender, sexuality and performativity? This is the question that I kept asking myself as I explored the two-person show Low Rise Sun, which was concerned with the power and importance of clothing. The exhibition did not explicitly ask viewers to consider how clothing can signify diµerent genders, social classes or sexualities; nonetheless, I examined the works from that perspective.

Barbara Claus, Le gris de l’aube

par Alexandra Tourigny Fleury · visuels: Barbara Claus

À la suite d’une résidence de création d’une semaine à la Galerie d’art Jacques et Michel Auger de Victoriaville, Barbara Claus présente Le gris de l’aube, une exposition qui, à l’instar des discours caractérisant notre quotidienneté pandémique, traite de fragilité, de précarité, de deuil et de résilience.

Sarah Stevenson, Before the Storm

par Dominique Sirois-Rouleau · visuels: Sarah Stevenson

Reconnue pour sa transcription unique du dessin dans la forme sculpturale, Sarah Stevenson démontre un intérêt insatiable pour les configurations précaires et les compositions harmonieusement déréglées. En effet, les agencements sculpturaux de l’artiste partagent une qualité d’expression insolite qui n’est pas étrangère aux approches minimalistes et leur engagement spécifique du corps spectatoriel dans la relation à l’objet. Que ce soit par ses proportions, sa perspicacité ou sa mobilité, le corps donne ainsi la mesure de Before the Storm dont la féérie formelle trouve un écho exceptionnel dans l’environnement industriel de la grande salle de la Fonderie Darling.

Lorenza Böttner: Requiem for the Norm

par Didier Morelli · visuels: Lorenza Böttner

On a late Friday afternoon, just before closing, I found myself alone at the Leonard & Bina Ellen Art Gallery. The Concordia University art gallery is usually a bustling centre of student life in the large and ever-expanding urban campus; however, during the COVID-19 pandemic, the gallery’s regular entrance has been closed and visitors instead are ushered in through the oÁces and asked a series of protocolary health questions before being admitted into the space. The exhibition on view, Lorenza Böttner: Requiem for the Norm, curated by the writer and philosopher Paul B. Preciado, challenges the norms and conventions of society, embodiment, health, gender and art history.

Cécile Hartmann, Le serpent noir

par Julette Soulez · visuels: Cécile Hartmann

Sous la houlette de la directrice de la MABA, Caroline Cournède, l’artiste française Cécile Hartmann livre, avec Le serpent noir, une exposition monographique mêlant diverses techniques – wall painting, sérigraphies, affiches, photographies – dans laquelle chaque oeuvre trouve un écho dans la thématique environnementale de son film éponyme de 2020. Débuté pendant l’interminable mandat de Donald Trump, dévoilé au public pendant les dernières campagnes présidentielles américaines, ce film, un documentaire de création produit par la Fondation des artistes en France, chemine sur la route de construction de l’oléoduc Keystone XL, interdite aux visites, de Houston aux États-Unis jusqu’aux terres de Premières Nations de l’Alberta.

Kuh Del Rosario, Julie Roch-Cuerrier et Ingrid Tremblay, Vers des cycles mouvants

par Jean-Michel Quirion · visuels: Kuh Del Rosario, Julie Roch-Cuerrier

Durant la belle saison, à Expression, les commissaires Joséphine Rivard et Ariel Rondeau présentent Vers des cycles mouvants, une exposition qui interroge la transformation de la matière d’après une question que pose la théoricienne et philosophe américaine Jane Bennett : « Quelles sont certaines des tactiques permettant de cultiver l’expérience de nous-mêmes en tant que matière animée1 ? » Bennett renvoie ici à notre propre capacité d’intervention comme humain en tournant notre attention vers un potentiel rapport d’équité avec la force expressive des entités qui nous entourent. Comment agir nous-mêmes comme matière vibrante et nous engager dans cette énergie vitale qui habite les êtres non vivants?

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