Démocratie et citoyenneté

Leçons de citoyenneté

par Pierre de Charentenay

Société - Il est des années qui marquent. Comme 1989 avec la chute du mur de Berlin, le 11 septembre 2001 avec les attentats aux États-Unis, 2011 a marqué l’histoire par les révolutions arabes et les départs contraints des responsables politiques de plusieurs pays, la pression restant très forte sur les autres. Ces mouvements d’Afrique du nord et du Proche-Orient ont été l’occasion d’une interrogation démocratique dans la sphère arabo-musulmane d’où elle semblait bannie, et aboutiront peut-être à l’émergence de démocraties musulmanes (plutôt qu’islamiques, qui contient des relents de rejet et de méfiance). La rue s’est exprimée dans une protestation profonde, venue non d’une idéologie particulière mais de la volonté des hommes et des femmes de se libérer d’une tutelle trop pesante pour enfin prendre leur destin en main selon leur propre culture. Ils se donnaient ainsi la qualité de citoyens, et nous donnaient en même temps une belle leçon de citoyenneté.

De Prague à Tunis, de 1989 à 2011, le rôle de la résistance civile

par Abdelwahab Meddeb, Jacques Semelin

International - Entretien avec Abdelwahab Meddeb et Jacques Semelin. Un an après le début de ce qu’on a appelé « le Printemps de Tunis », revenons sur la signification et les limites des comparaisons avec « le Printemps de Prague » et les révolutions de velours de 1989 qui s’imposaient alors.

Citoyen du monde, citoyen de la Terre

par Pierre de Charentenay

International - Les idéalistes souhaiteraient dépasser les murs des frontières pour enfin s’attaquer sérieusement aux problèmes communs de notre planète avec une gestion mondiale et des décisions qui s’imposent à tous, mais le nationalisme revient en force, expliquant que la légitimité de l’action politique ne peut se déployer que dans le cadre national. Comment sortir de ce dilemme qui paralyse notre action et laisse les problèmes universels, notamment environnementaux sans solution ? L’écologie n’est-elle pas une question suffisamment prégnante pour devenir le fondement d’une nouvelle citoyenneté, celle de notre Terre, dont nous n’avons qu’un exemplaire ? Plan de l'article : Fédéralistes et citoyens du monde Leçons européennes Deux crises mondiales Les demandes d’autorité mondiale Appartenance à la Terre Souveraineté Tous citoyens de la Terre

Une jeunesse française divisée

par Olivier Galland

Société - Entretien avec Olivier Galland. La jeunesse française est coupée en deux, certains s’en sortent et d’autres non. Cette césure est le résultat d’un système social élitiste où l’école et le marché du travail servent de machines à trier. Au bout du compte les plus faibles sont implacablement éliminés, tout en étant pratiquement exclus des aides sociales jusqu’à 25 ans. Mis à l’écart, ils tendent à déserter les urnes et à renier les fondements de la démocratie. Cette fracture à l’intérieur de la jeunesse est plus importante que la coupure entre les générations. (...) Plan de l'article : La réfutation d’un destin commun, d’une génération L’exclusion des jeunes non-diplômés L’élitisme républicain La discrimination générationnelle : l’exemple de la sphère politique Les jeunes et le civisme

Intégrer l’islam à l’Europe ?

par Frédéric Sarter

Société - Le point d’interrogation qui infléchit ce titre doit se lire à plusieurs niveaux. Le premier a tous les attraits, et les limites, d’une fausse évidence : l’intégration des musulmans en Europe fait aujourd’hui débat. Il semble y avoir là, pour beaucoup de nos concitoyens, une interrogation sincère, qui se décline, de façon tantôt explicite, tantôt implicite, dans toute une série de controverses récentes et d'« éléments de langage » repris par la presse ou le discours politique, qu’il s’agisse de l’identité nationale, de la citoyenneté, de la double nationalité, du vivre-ensemble, de l’immigration et de l’assimilation, de la laïcité et du « foulard islamique » (sinon de la fameuse burqa), ou encore du terrorisme et de la « radicalisation ». (...) Plan de l'article : Citoyens mais non intégrés ? Quelle intégration ? La percée islamophobe Des données rassurantes Le cas français :la laïcité contre elle-même

L’indignation

par Jean-Philippe Pierron

Arts et philosophie - De l’appel de l’Abbé Pierre dans l’hiver 1954 au Indignez-vous ! de Stephane Hessel en 20111 ; de la révolte des indignés lors du Printemps arabe sur la place Tarhir au Caire ou à la Puerta del Sol à Madrid, jusqu’aux indignés contre « le monde de la finance » à New York, l’indignation retentit, dans la diversité de ses langues et de ses causes, faisant entendre une rumeur qui gronde. L’indignation n’est pas l’attestation d’un oui, elle est la position d’un non ; refus. Plan de l'article : Un sentiment moral Du spectacle compassionnel au sentiment de violation Une préparation intérieure à l’engagement Du sentiment de l’indignation aux contextes d’indignations « Les indignations » : un pluriel nécessaire La responsabilité devant la vulnérabilité

Du goût de vivre en citoyen

par Christoph Theobald

Religions - Point de vue d’un théologien. On le pressent plus ou moins nettement : l’engagement en politique, quel qu’il soit, change de signification et ne peut plus s’appuyer sur les mêmes motivations quand des tendances lourdes précarisent les conditions humaines qui sont à la base de la citoyenneté et de son exercice démocratique. Les facteurs de cette mutation, qui semble arriver aujourd’hui à un point critique, sont bien connus : affaiblissement du débat public, fondé classiquement sur le pluralisme des opinions et visions du monde, au profit d’un modèle de consensus qui se contente d’un vivre-ensemble de plus en plus réglementé et administré ; renforcement constant de la technocratie des experts, en particulier au niveau de la gouvernance européenne, se justifiant par l’apparente incompétence populaire. (...) Plan de l'article : La perspective doctrinale de Vatican II sur la communauté politique Vers une perspective historique et pastorale Pour une lecture politique de la Bible Penser en même temps le Royaume de Dieu et le lien politique Susciter le goût de la résistance et de la reconstitution du lien politique

Albert Camus, l’humaniste intransigeant

par Denis Salas

Arts et philosophie - Sous ses différents aspects, l’oeuvre d’Albert Camus est plongée dans les violences de son siècle. Éditorialiste à Combat pendant la Résistance, auteur de l’Homme révolté en pleine guerre froide ou intellectuel déchiré par la tragédie algérienne, il est sans cesse traversé par les tourments d’un « siècle de la peur ». L’intérêt des discours prononcés en Suède lors de l’attribution du prix Nobel en 1957 est de cerner ce statut d’écrivain engagé qu’il se donne dans ces circonstances. « Écrivain » n’est pourtant pas le mot qu’il emploie. Camus se décrit tel un « artiste » « embarqué dans les galères de son temps » comme pour mieux marquer sa différence, lui qui est romancier et dramaturge autant qu’essayiste. Quand il affirme que « le temps des artistes irresponsables est passé », il revendique la responsabilité de l’intellectuel1. Ses interventions publiques s’apparentent, dit-il, à un « service militaire obligatoire » comme pour mieux en marquer le sens civique dont la tonalité est moins politique que morale. Pour cerner la pensée proprement politique qui fonde ses engagements, il faut chercher dans ses essais et, pour partie, dans ses fictions et des textes dispersés, articles ou éditoriaux, à ces différentes périodes. Plan de l'article : La modération de l’État Des institutions faites pour les peuples Un engagement au service de l’homme Un perpétuel contemporain