Quand le genre trouble les catholiques

Le tsunami numérique

par Marc Hecker

Gérer les catastrophes naturelles à l’heure des réseaux sociaux. « Quand un désastre se produit, l’accès à l’information est tout aussi important que l’accès à l’eau ou à la nourriture. » Cette citation surprenante est tirée d’un rapport récent de la Fédération Internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge dédié à la technologie et au futur de l’action humanitaire. Si les auteurs de ce rapport insistent tant sur l’information, c’est que le web est en train de bouleverser la manière dont sont gérées les catastrophes naturelles de grande ampleur.

Les télécommunications sans fil en quête d’un nouvel élan

par René Wallstein

Qu’est-ce que la 4G apporte de plus à l’utilisateur par rapport aux réseaux 2 et 3G existants ? Est-ce la fin du bon vieux téléphone portable, progressivement délaissé au profit d’un terminal universel, sorte de couteau suisse que l’on a toujours sur soi et qui permet d’être « connecté » en permanence, ceci non sans incidences sur notre vivre-ensemble ?

Impasses et enjeux de la ville

par Aleth Picard

Aujourd’hui, les mêmes dispositifs urbains sont en partie utilisés pour construire de nombreux quartiers, qu’il s’agisse des opérations de renouvellement ou de l’extension du périurbain sous les diverses figures du pavillonnaire, loin des villes et autour de villages ruraux.

Le “genre ” sur la scène politique

par Bruno Saintôt

Quels enjeux pour les catholiques ? Faute de pouvoir déployer une analyse détaillée de la notion de «genre », la métaphore théâtrale d’une scène politique française permettra d’évaluer de possibles évolutions sociétales, c’est-à-dire un espace de jeu social, au prisme de quelques enjeux catholiques compris à la fois, selon le double sens de l’adjectif, comme relatifs aux croyants catholiques et à leur ambition de se référer à des valeurs universelles pour débattre de la vie commune. Après une simple mention de la naissance d’une polémique, l’évocation de l’entrée en scène de quelques figures marquantes des féminismes et des acteurs du «genre » conduira à proposer quelques manières de se situer comme catholiques dans un espace d’argumentation et d’action.

Habiter

par Raphaëlle Cazal

« Qui veut voir comment l’âme habite son corps, regarde comment ce corps utilise son habitation quotidienne. » Cette phrase de Léonard de Vinci trace un lien direct – et même un parallélisme – entre la manière dont le sujet se rapporte à lui-même et à son milieu, à son corps et à sa maison. Elle hérite d’une longue tradition philosophique et religieuse qui se prolonge jusqu’à nos jours, comparant le corps humain à une architecture. Platon, dans Le Phèdre, l’assimilait par exemple à une prison, Vitruve (De architectura) et saint Paul (1 Cor 6,19) à un temple. À la suite de Karl Albert Scherner, Freud identifie la maison et le corps (L’Interprétation des rêves et Introduction à la psychanalyse). Paul Valéry, quant à lui, compare les mouvements du danseur à des architectures éphémères. Cette analogie n’est pas arbitraire. Elle nous dit quelque chose de fondamental sur l’acte d’habiter. Loin de désigner, de façon en quelque sorte superficielle, la coloration que prennent nos activités quand elles s’inscrivent sous le jour de la routine, elle engage notre être tout entier, reflète notre personnalité la plus profonde. La manière dont nous nous ouvrons ou nous fermons au monde et aux autres est le corrélat immédiat du rapport que nous entretenons à l’égard de nous-mêmes. Celui qui n’habite plus son corps, n’habite plus le monde et ne cohabite plus avec autrui. L’habitation implique ainsi de façon indissociable trois types de rapports, qu’il nous faut examiner en détail pour tenter de comprendre ce qu’habiter veut dire, et prendre la mesure de sa portée éminemment éthique.

Homme et femme en genèse

par André Wénin

Des différences fondatrices ? Les différences entre l’humanité et la nature, et entre l’homme et la femme ont souvent été considérées dans l’Occident chrétien comme fondatrices, radicalement indépassables. Ne sont-elles pas fondées sur la révélation du début de la Genèse, où l’humanité se caractérise dès la création par sa distinction avec l’animalité ainsi que par la différence sexuelle qui la traverse ? Que les deux premiers chapitres de la Genèse soient à ce propos une référence théologique obligée, il suffit pour s’en convaincre de lire certaines pages sur « l’homme à l’image de Dieu », la centralité de l’être humain ou la complémentarité entre homme et femme.

Philippe Jaccottet à l’écoute de la lumière cachée

par Jean-Pierre Lemaire

La publication des Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Bibliothèque de la Pléiade constitue assurément un événement littéraire majeur ; cette consécration n’avait été accordée de leur vivant qu’à deux poètes avant lui : Saint-John Perse et René Char.

Beyrouth

par Camille de Villeneuve

Une nouvelle de Camille de Villeneuve Il y a plusieurs années, je vécus à Beyrouth. Je devais terminer un article sur les mariages mixtes au Liban. Le pays survivait à la guerre dans une apparente désinvolture. Il y avait encore des armes dans les maisons et les criminels faisaient des affaires, fumant et buvant du café à la terrasse de leurs maisons de montagne, d’où ils dominaient la ville. Les jeunes dansaient sur les charniers et se mariaient dans des murs en ruine. L’existence avait l’urgence du provisoire, s’étirant entre la tentation mélancolique et celle de l’ivresse. Je bus beaucoup, alors, rue Monnot. L’oisiveté à laquelle je me trouvai brutalement livrée fut pénible. Ma vie me parut soudain vidée de sa substance, et je me retrouvai, marchant sur la corniche ou regardant la mer depuis le café Hamra, en plein après-midi, dans des états que je n’avais plus connus après l’adolescence. C’étaient des dispositions à l’inappétence, l’insensibilité voire le dégoût, que contenait la velléité de ne pas me jeter avec exultation dans les vagues brillantes. Pendant les premières semaines, je ne fis rien, pas même un déplacement vers les villes où j’avais prévu de me rendre : Saïda, Tyr et Baalbek. Parfois je retrouvais un jeune Syrien qui vendait des téléphones portables. Il était d’une aveuglante passion. Je l’avais rencontré au port.

D’Horace à Oscar

par François Cassingena-Trévedy

La consonance latine de son patronyme, bien assortie à celle du nom de sa ville natale – Pretoria –, ne serait-elle pas sans le domicilier d’emblée dans une histoire haute en couleurs (celle qui a inspiré tour à tour Quo vadis, Spartacus et Gladiator), sans contribuer à la confection de son aura héroïque, sans lui donner pour escorte toute une mythologie dont on pressent confusément l’ombrageuse somptuosité ? Ce ne sont pourtant pas les fastes impériaux qu’évoque le nom du fameux vainqueur paralympique d’Afrique du Sud, Oscar Pistorius, mais, de façon plus modeste, la dure condition de celui qui pile le grain dans un mortier et, finalement, le métier de boulanger, pistor, sauf à ce que Jupiter en personne se soit vu gratifié de cette épithète pour avoir suggéré aux Romains, assiégés dans le Capitole, de jeter des pains aux envahisseurs Gaulois. De fait, à l’heure actuelle, et avant même que la justice n’ait prononcé le dernier mot sur sa culpabilité, l’athlète naguère ovationné ne se voit-il pas condamné à tourner la meule, et comme réduit à piler l’épeautre ingrat d’une carrière brisée ?

Foucault et la question du genre

par Jacques Munier

Même s’il n’a jamais prononcé le mot « genre » et que le concept ne lui était pas familier, les pionniers des études de genre se sont souvent réclamés de l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault, et considèrent d’une manière générale qu’il a exercé sur eux une influence majeure, notamment la philosophe Judith Butler, l’historienne Joan W. Scott ou le sociologue Michael Kimmel. Au moment de sa disparition, il y a exactement trente ans, le 24 juin 1984, ces travaux émergeaient à peine outre-Atlantique. On sait pourtant que Foucault a rencontré l’anthropologue Gayle Rubin, qui venait d’en poser le cadre théorique et qui, dans son ouvrage sur Le Marché aux femmes, est semble-t-il la première à utiliser le concept et le mot « gender ». Par ailleurs Foucault écrit en 1980 une préface pour l’édition américaine des mémoires d’Herculine Barbin, un cas unique d’hermaphrodisme au XIXe siècle analysé par le philosophe comme l’illustration des « limbes heureuses d’une non-identité » – au prix d’une faute (assumée ?) de genre grammatical – une préface qu’on peut lire aujourd’hui dans la réédition de cet ouvrage présenté par Éric Fassin comme « une préhistoire des gender studies ». Judith Butler s’y réfère abondamment dans Trouble dans le genre. Le texte de Foucault, qui porte sur la notion de « vrai sexe », s’emploie à montrer comment le droit et la morale ont contribué au XIXe siècle à élaborer une norme du masculin et du féminin. L’émergence d’un mouvement intersexe aux États-Unis dans la dernière décennie du XXe siècle lui donnera en outre une actualité politique.

Les désastres de la guerre au Louvre Lens

par Laurent Wolf

Pour le centenaire du premier conflit mondial, le Louvre Lens présente Les désastres de la guerre, 1800-2014, une exposition dont le leitmotiv est une question dont on suppose qu’elle devrait se passer de point d’interrogation?: « Pourquoi préférons-nous la paix à la guerre?? » Il semble en effet entendu que l’humanité a toujours chéri la paix même si la guerre est une constante de son histoire. La guerre serait toujours haïssable, y compris dans les états-majors militaires. Or, l’histoire de l’art, en particulier celle de la peinture, en a donné pendant des siècles une autre image?: la grandeur, l’héroïsme et l’accomplissement des plus hautes vertus. Jusqu’aux batailles napoléoniennes, quand l’image se divise en deux versants, celui du triomphe et celui de l’horreur.

La seconde naissance de Martial Raysse

par Laurent Wolf

Les artistes rusent tous plus ou moins avec leur temps comme ils rusent avec l’histoire. Faut-il être d’aujourd’hui, ce qui revient bientôt à être du passé?? Faut-il devancer l’avenir, avec le risque de se tromper?? Faut-il agresser le goût du public, au moins celui du monde culturel, pour s’en singulariser?? Ou au contraire le caresser dans le sens du poil, ce qui revient au même de nos jours?? Martial Raysse aurait dit en 1959?: « Je désirais que mes œuvres portent en elles la sereine évidence d’un réfrigérateur de série?: neuves, aseptisées, inaltérables. » Il aurait dit également à la même époque?: « Les Prisunics sont les nouveaux musées d’art moderne. » En 1960, il crée des Arbres avec des bouteilles en plastique et des Étalages où il rassemble balais, boîtes de poudre à lessive, boîtes de conserve et jouets d’enfant. Avec un sous-titre?: Hygiène de la vision.

67e Festival de Cannes : à l’origine

par Charlotte Garson, Jérôme Momcilovic, Arnaud Hée

Depuis quelques années, Etudes propose des textes exclusifs écrits durant le Festival de Cannes – cette année sur la sélection et le palmarès, mais aussi plus précisément sur des films désormais en salle à l’exception de National Gallery de Frederick Wiseman : La Chambre bleue de Mathieu Amalric, Deux jours, une nuit des frères Dardenne, Maps to the Stars de David Cronenberg ainsi que le splendide film d’animation d’Isao Takahata, Le Conte de la princesse Kaguya. De quoi consacrer l’été à une fin de saison cinématographique de très bonne tenue. Rédigé au retour du festival, le compte-rendu qui suit prend le pouls du cinéma d’auteur et des enjeux générationnels qui s’y font jour tout en anticipant sur les sorties de 2014-2015.

Boyhood

par Raphaël Nieuwjaer

Richard Linklater est coutumier des dispositifs de tournage par lequel le cinéma approche et travaille un temps proprement existentiel. Tape, en 2001, prenait le parti du temps réel. La trilogie Before… (respectivement Sunrise, Sunset et Midnight, réalisée entre 1995 et 2013) organisait tous les neuf ans les retrouvailles de Jesse et Céline, deux jeunes gens qui, après s’être rencontrés par hasard, se perdent de vue, se retrouvent, vieillissent ensemble puis traversent une crise conjugale. Entre le temps plein du direct et celui creusé de profondes ellipses se situe Boyhood, filmé entre 2002 et fin 2013. Pour ce projet, Linklater a réuni chaque année son équipe pour tourner, sur quelques jours, un fragment de la vie de Mason, de ses six ans à son entrée à l’université.