Historiens de l’Antiquité

Entre enquête et mémoire, un savoir nouveau ?

par Bernard Mezzadri

En gratifiant Hérodote du titre de « Père de l’Histoire », la tradition humaniste accomplissait d’un même geste un double partage : en direction du futur, elle saluait l’émergence d’une discipline nouvelle, encore embryonnaire certes, mais qui bientôt trouverait en Thucydide un énergique tuteur ; en direction du passé, elle rejetait les pratiques mémorielles antérieures, celle de l’épopée et des premiers auteurs de « généalogies », dans les limbes incertains du mythique ou du légendaire.

Règles du jeu pour étudier l’Histoire Antique

par Arnaldo Moigliano

Une bibliographie peut avoir l’effet d’une drogue pernicieuse et encourager un vice : le vice de lire, alors qu’il est question du passé —c’est-à-dire d’histoire —, des études modernes plutôt que les documents originaux. Ces pages entendent donc fournir un contrepoison : quelques considérations rapides sur l’interprétation des documents — des sources — dans la recherche historique sur l’antiquité classique. On peut espérer que ces remarques soient applicables aussi à l’étude du Moyen Âge ou du monde moderne : mais nous nous adressons d’abord aux spécialistes d’histoire antique. Les études modernes sur le monde classique seront évaluées et le cas échéant considérées comme valides seulement si leur interprétation des documents antiques s’avère correcte.

Temps d’aujourd’hui et temps grecs antiques

par Pierre Brulé

On parle peu de ce à quoi on est quotidiennement confronté. C’est le cas, à propos du temps, des historiens. L’empathie d’intérêt et de fonction qui est la leur avec cette notion nuit certainement à sonobjectivisation. Et, si j’en juge par mon activité, ils peinent à soustraireau temps nécessaire à la pratique historienne celui qu’ils pourraientconsacrer à la réflexion sur les concepts. Aussi, à moins de cuistrerie, jene saurais trop philosopher à propos du temps. Sans souci d’exhaustivité, j’en parlerai donc depuis mon atelier d’historien. Je questionnerai face aux nôtres quelques-uns des usages du temps par les Grecs de l’antiquité.

La genèse des Histoires d’Hérodote

par Wolfgang Rösler

Dans la seconde moitié du Ve siècle avant J.-C. se produisit en Grèce une mutation culturelle d’une immense portée. Certes, les Grecs possédaient depuis plus de trois siècles une écriture alphabétique 1, mais c’est seulement à cette époque que les textes écrits devinrent assez fréquents et banals pour qu’on puisse parler du début d’une nouvelle ère.

L’ ethnographie d’Hérodote

par Reinhold Bichler

Hérodote peut être considéré comme le père de l’ethnographie en plus d’un sens (Timpe 1986, 25 sqq.). En raison de sa description riche et pittoresque de nombre de peuples non Grecs, il a constitué unvéritable tableau de différentes possibilités d’existence humaine dans l’oikoumenê. Les axes et concepts de ce tableau eurent d’importantes conséquences sur le développement ultérieur de l’ethnographie dans l’Antiquité aussi bien que dans les siècles plus récents.

L’Iliade d’Hérodote

par David Bouvier

Les premières lignes des Histoires ont une couleur homérique : « Hérodote de Thourioi expose ici ses recherches, pour empêcher que ce qu’ont fait les hommes, avec le temps, ne s’efface de la mémoire et que de grands (megala) et merveilleux exploits, accomplis tant par les Barbares que par les Grecs, ne restent sans gloire (aklea). 1 » Dans l’Iliade, prêt pour un duel qu’il sait être le dernier, Hector dit sa seule ambition :« ne pas mourir sans gloire (akleiôs), mais accomplir un grand (mega) exploit pour que les hommes à venir en tirent leçon 2 ».

Les fonctions généalogiques Acousilas d’Argos et les débuts de l’hitoriographie grecque

par Claude Calame

Au premier siècle avant notre ère, l’historien et rhéteur Denys d’Halicarnasse centre sur Thucydide des réflexions sur l’historiographie grecque qu’il consigne dans un traité spécifique (graphé). En guise d’introduction, il situe l’historien (suggrapheús) de la guerre que se livrèrent les Athéniens et les Péloponnésiens à la croisée entre l’enquête d’Hérodote, l’historien des guerres médiques, et les investigations des disciples d’Hellanicos de Lesbos, le polygraphe rédacteur de récits généalogiques. Du premier, Thucydide aurait su éviter l’ampleur universalisante qui embrasse les actions et des Grecs et des barbares au détriment de l’exercice du raisonnement humain ; mais avec les seconds l’historien de la guerre du Péloponnèse aurait refusé la focalisation sur un lieu unique 1. La définition du champ historique s’avère donc d’emblée affaire de géographie, et de juste mesure !

La reconstitution de l’Histoire d’Athènes au IVe siècle

par Claude Mossé

L’Histoire, on le sait, est née en Grèce avec Hérodote, un Grec d’Halicarnasse qui parcourut une partie du monde méditerranéen oriental, séjourna à Athènes et termina sa vie en Italie du Sud, dans la cité grecque de Thourioi, dont il fut un des premiers citoyens. Mais en ce même Ve siècle, l’Histoire fut surtout illustrée par celui qu’on tient pour le premier théoricien de cette nouvelle branche du savoir, l’Athénien Thucydide.

Artémis, l’Histoire et les historiens

par Pierre Ellinger

On admet fort bien chez les Modernes que tout ce qui ressortit au social, ou même au privé, dans le monde antique, puisse être référé aux divinités du polythéisme. On a plus de mal à le faire pour ce qui pour nous appartient au domaine de l’Histoire. Bien sûr, on l’accepte pour les rituels guerriers, car on est là dans l’ordre du répétitif.

L’impossible castration, ou les tyrans sont-ils des Barbares

par Bernard Mezzadri

À qui s’interroge sur la représentation de l’Autre chez les anciens Grecs avec ce qu’elle comporte, en son ambivalence, de rejet inquiet, de fascination et de projection imaginaire, l’oeuvre d’Hérodote offre un observatoire de choix. Car le père de l’histoire est aussi, et peut-être surtout, le père de l’ethnographie.

Le pontife et le flamine : Religion et Histoire à Rome Entretien avec John Scheid

par Bernard Mezzadri

John Scheid est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Religion, institutions et société de la Rome antique ». Il a consacré sa thèse à l’analyse exhaustive du système rituel mis en oeuvre par les frères arvales, un collège de prêtres chargé du culte de Dea Dia, divinité lumineuse propice aux céréales qui possédait un bois sacré non loin de l’Urbs.

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