Revue des homolittératures ou pas

Sous Terre

par Elena Jurissevich

Par ses poèmes drus et puissants et ses références au monde biblique — qui trahissent sa double formation en théologie et en littérature italienne — Elena Jurissevich (Salmi di secondo tipo [Psaumes de deuxième type]) nous a habitués à une confrontation farouche et lyrique avec l’autre amoureux. Dans cette nouvelle écrite en français, elle touche à l’ambiguïté corporelle d’une petite fille face à la mise en bière maternelle de tout désir.

Play-List Klaus

par Pierre Lepori

Tirés d’une suite de monologues aux titres de chansons, ces trois textes ressuscitent la figure de Klaus Nomi, chanteur new wave mort du sida en 1983. Mutant contemporain à la voix de hautecontre, entre paillettes discos et relents mélomanes, Klaus représente le basculement de la rébellion à la foire marchande, de la contre-culture au showbiz. Romancier et poète, écrivant tantôt en italien tantôt en français, Pierre Lepori plonge dans la surface de ce clown éternel, bouffé par son propre rire jaune.

L’amant de Jules César

par Guy Poitri

À travers ses romans et récits, Guy Poitry — enseignant à l’Université de Genève — nous entraîne souvent dans une intimité où le désir et la passion se déclinent à la première personne (Jorge; Chutes; Comme un autre). Ici, les amours masculines de Jules César — décrites par la plume un brin macho d’Henri Michaux — s’entrelacent ironiquement avec une adresse lyrique de l’auteur à son compagnon

Ma mère cette pute m’a violé

par Sylvain Thévoz

Ethnologue et théologien, Sylvain Thévoz s’est fait connaître avant tout comme poète (Couleurs primaires; Virer large course court). C’est par un récit en vers bousculé et ravageur qu’il nous fait entendre une voix écorchée, revenue de l’enfance.

Didier Eirbon: réactiver le queer

par Pierre Lepori

Auteur d’une biographie de référence consacrée à Michel Foucault, philosophe et historien des idées souvent engagé, Didier Eribon a travaillé longtemps sur les questions de genre et sur le statut des minorités (notamment dans ses remarquables Réflexions sur la question gay et Une morale du minoritaire ). En porte-à-faux avec les préjugés psychologisants et les appels au retour à l’ordre — mais également sévère contre toute dérive normative de la pensée subversive —, il traite avec subtilité les thèmes qui tiennent à coeur à la rédaction d’Hétérographe.

Olivia Rosenthal: la répétition fatigue le réel

par Guy Poitry

Elle enseigne la littérature française de la Renaissance à l’Université Paris 8. À ce titre, elle est notamment l’auteur de deux articles, « Montaigne et l’art de la répétition » et « L’auteur en répétitions ». Or dans son oeuvre littéraire comme dans ses films et performances, Olivia Rosenthal joue également avec les répétitions, dans tous les sens du terme. Pour un écrivain, un entretien est encore une forme de répétition : elle a bien voulu se contraindre à l’exercice, pour nous permettre une promenade entre certains de ses titres et nous offrir un éclairage sur ce qui la guide.

Jacques Demy, un adulte ni fait, ni à faire

par Fabrice Huggler

En 1985, Jacques Demy, ce maître du clair-obscur, se risque au grand jour, faisant de son Orphée un chanteur bisexuel épris d’une Eurydice au passé lesbien et toxicomane. Le résultat en est des plus lourds et des plus grotesques, à tel point que son auteur reniera cet opus. Le réalisateur a été en revanche bien mieux inspiré dans la plupart de ses autres films, où il use d’une ambiguïté subtile et troublante.

Jacob en culbute avec son Dieu?

par Elena Jurissevich

La lutte de Jacob avec son Dieu, dans le chapitre 32 de la Genèse, véhicule des enjeux déroutants : comment se fait-il que Dieu lutte avec son élu ? comment le Dieu innommable et invisible de la tradition juive peut-il avoir un corps, et, qui plus est, un sexe ? Si les commentateurs consacrés ont choisi des lectures allégoriques, les artistes et les écrivains ont proposé des interprétations plus étonnantes, entre combat et étreinte, tels Delacroix, Baudelaire ou Pierre Emmanuel. Jusqu’au satanique Lautréamont.

Into the labyrinth

par Jelena Ristic

Le Rempart des Béguines est le premier roman de Françoise Mallet-Joris. Avec le triangle amoureux formé par un veuf, sa fille et sa nouvelle compagne, l’autrice nous entraîne dans un labyrinthe où les rôles se brouillent pour mieux déjouer la norme hétérosexuelle. Un roman de formation mené par un jeu de références littéraires, entre Sappho et Racine, que Jelena Ristic — chercheuse en études genre à l’Université de Lausanne — nous fait déguster.