Intervention N°14

LA censure tranquille

par Guy Durand

Y-a-t-il des conditions à remplir aujourd'hui par les artistes pour pouvoir produire et travailler au Québec ou au Canada? Au premier survol, la censure et la répression demeurent ici des formes spectaculaires et extrêmes d'interdit. Car elles soulèvent immanquablement le tollé, d'abord des intellectuels, et quelquefois du grand public. La réalité est tout autre dans les pays sous le joug de dictatures militaires comme l'Argentine1, les États totalitaires comme l'Union Soviétique2 ou sous l'obscurantisme d'un certain fanatisme comme en Iran. L’association Internationale de Défense des Artistes victimes de la répression dans le monde (AIDA) souligne à ce propos: «Parce qu'ils relatent des laits vrais, des artistes, qu'ils soient écrivains, cinéastes, musiciens ou peintres, sont intimidés, censurés, interdits, emprisonnés, internés, torturés, assasinés dans, un nombre croissant de pays. La raison d'État interdit le plus souvent toute critique, toute liberté d'expression et d'opinion des individus, et notamment des artistes, et sert d'argument en l'absence de preuves.».

Les Etats Généraux du Théâtre Professionnel au Québec

par Pierre Rousseau

Les 6, 7, 8 et 9 novembre 1981 avaient lieu à Montréal les États Généraux du Théâtre Professionnel au Québec (EGTP). Plus de quatre cents personnes du milieu théâtral se réunissaient alors pour se concerter et adopter des résolutions exprimant l'avis du milieu sur la présente situation dans le secteur du théâtre et sur les politiques culturelles de l'État à ces divers paliers de gouvernements (municipal, provincial et fédéral). Le temps et l'espace nécessaire à une analyse de cet événement étant, ici, insuffisant, voici un compte-rendu en trois points qui se veut informatif. Il serait souhaitable que la revue Intervention s'attarde éventuellement à une analyse détaillée de la situation théâtrale québécoise.

Le théâtre?... Bof! Cinq fois trois coups

par Alain-Martin Richard

La lumière crue des projecteurs lessive les murs échaffaudés en caisses de bière. Nous sommes dans l'antre des strip-teaseuses, ces éclatantes erotiques. A tous ceux et celles (plus rares) qui ont vu d'en avant les effeuilleuses jouant de leur mascarade et de leur volupté, la Bordée offre le derrière, la loge-rancard/t, ou ce à quoi pense une girl quand elle se déshabille. Dans une atmosphère déprimante que la doyenne du club parvient à neutraliser par sa souveraine indifférence face aux misères humaines, deux girls s'affrontent en combat singulier: la rockeuse «heavy duty» et la romantique fleur bleue. Ni l'une, ni l'autre n'emportera la joute, car ici tout le monde est perdant. Et puis il y a toujours le boulot. Entre leur spectacle, gagne-pain oppressant ou libérateur selon le cas, et comme faisant partie de leur combat à vie les strip-teaseuses s'encouragent, s'engueulent

Les Stéréotypes maintenant

par Monty Cantsin

ET MAINTENANT, on se lève, on se lave, on s'habille, on va travailler, et puis on va manger, et peut-être on va parler, et on va lire un journal, et après on va aller au cinéma, et après on va se coucher et peut-être on va faire l'amour, et on va se regarder l'un l'autre, ou encore la video..., anyway, MAINTENANT on va voir «À partir d'une métamorphose», Nathalie, Margit et Balint viennent avec moi, Nathalie avait eu un accident de moto et elle a encore mal au pied, Margit et Balint viennent d'arriver de Yougoslavie et ils se couchent tôt, en Yougoslavie ils travaillent entre 6h et 14h et ils se lèvent à 5h le matin, moi je dors souvent avec Nathalie et on se lève pas avant 10h,... nous sommes MAINTENANT au centre de recherche néoiste, il est 20h. j'ai déjà vu «métamorphose», la première, il faisait encore beaucoup plus chaud, mais l'hiver est arrivé, Nathalie aime l'hiver, elle aime dormir dans la neige, moi j'aime l'océan,...

Projectile doux

par Daniel Guimond

Revenir au papier pour s'assurer que tous les neurones restent dans la même enveloppe alors que la langue s'incruste sous la peau comme des signes passent tout en nous traversant cette même langue est celle qui revient le plus souvent en insistant sur les circuits imprimés de la mémoire sans vraiment vouloir les imaginer autrement elles s'enfoncent contre le désir immédiat en permanence d'un seul trait. pris au centre pris j'adopte mes couleurs de guerre j'examine d'autres choix sur le petit écran dans mon cerveau qui m'occupe dérisoirement à perte de temps se réinfiltrer à l'intérieur de sa propre production polymorphe derrière les secrets du corps y revoir chaque plan se succédant arbitrairement sans risquer quoi que ce soit ta peau contre la mienne puisque c'est de cela qu'il s'agit en hors champ la ressemblance impeccable de cette excitation maniaque une fois de plus en surface beaucoup de choses demandent exigent trop de temps et le travail fantomatique dans les recoins en lisière

Questionner la société avec les catégories de l’art

par Andrée Fortin

Art et société. Art est société. C'est dans le et que tout se joue. Présence plurielle de l'art dans la société. Interférence de la société avec I'm. L'art est dans la société, la société dans l'art. Mais on ne peut réduire l'un à l'autre. Ni vice-versa. Pour les formalistes, j'ajoute: art a société et société f art. Comme dirait Boris Vian «Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement.» Trajectoire en anneau de Moebius. Ni dedans, ni dehors. C'est là également que je me situe par rapport à l'événement Art et société... La seule façon d'échapper à l'anneau de Moebius, c'est de changer brusquement d'espace référentiel. «Ce dont on ne peut parler, il faut le taire» (Wittgenstein). En préambule, je veux insister sur les six mois (au moins) qui se sont déroulés entre la conception première de l'événement et sa réalisation. Projet insaisissable se modifiant quotidiennement, presque, au fil des rencontres, des conversations, échappant graduellement à sa définition initiale. Impression d'un poster/annonce alors que rien n'est vraiment joué. Contacts publicitaires, institutionnels. Trajectoire bizarre, détournement de Musée. À force d'entêtement. Volonté de faire advenir un rêve. Quelque chose de nouveau. Enfin la preuve que les plasticiens ne sont pas les seuls au Québec (souci pédagogique...). Entêtement mystique et abnégation festive

Québec-Vision

par Alain Snyers

Au premier degré, la visualisation des divers sites parisiens décrits n'est possible que dans l'imagination de chacun des participants qui se laissent ainsi guider par le commentaire haut en couleur et illustrations sonores. Au second degré, il est clair que malgré l'absence de vues réelles sur l'extérieur qui permettent de se situer directement, le «touriste urbain» à l'aide de sa mémoire et de la connaissance de sa ville, ne peut complètement ignorer le lieu où il se trouve: sa ville.

Art et Débilisme

par Richard Martel

À vouloir à tout prix faire évoluer l'art et la société, il m'est arrivé d'oublier que mes expérimentations diverses peuvent dérouter et devenir brutalement de l'élitisme. Quand on est six millions de personnes sur un territoire, il taùt bien souvent tout faire pour exister; c'est pourquoi au Québec les intellectuels, les artistes, les producteurs de sens et de culture sont obligés de critiquer et d'analyser leur propre production. Ce qui est fort difficile car il faut souvent alors être artiste, critique, théoricien et historien; et souvent même organiser des événements pour que bougent les structures. S'il faut tout faire, c'est pour éviter qu'une machine abstraite qu'on appelle l'État délimite la portée de nos gestes, oriente nos actions et décide de notre avenir.

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