À l’épreuve du réel

15ème Biennale de Lyon

par Christine Jamart

Là où les eaux se mêlent, poème de Raymond Carver, dans lequel l’auteur américain file la métaphore du fleuve pour parler de la vie1, titre la 15ème Biennale d’art contemporain de Lyon qui, placée sous le commissariat choral du Palais de Tokyo, vient de se clôturer. Retour prospectif sur une édition qui, inaugu- rant divers changements de cap structurels à la biennale rhône-alpine, apparaît tel un essai curatorial confus pour ne pas dire brouillon, néanmoins généreux et intéressant en ce qui se révèle en prise directe avec un certain état de notre contemporanéité artistique.

Le Centre d’Art à l’épreuve du réel

Et vice et versa ?

Le faux est ce qu’il veut

par Anne-Françoise Lesuisse

Notre environnement et tous nos rythmes sont incessamment imagés, pris dans le regard d’une interface, que l’on soit récepteur ou producteur, et souvent d’ailleurs les deux à la fois, dans le même mouvement de la vitesse des processeurs. Cette présence visuelle médiée qui nous accompagne dans les moindres recoins de notre vie, et dont l’expansion est vertigineuse, devient une seconde nature au fur et à mesure que les générations s’éteignent et que les plus jeunes adoptent presque sans apprentissage la présence des écrans réagissant comme un prolongement de leur être.

Too many views

par Pauline Hatzigeorgiou

La coïncidence nominale du paradis perdu faisant front au laboratoire inscrit dans l’espace urbain la menace éthico-mythologique qui pèse sur le fantasme humain à vouloir percer le mystère de la conscience et à fabriquer son alter ego. Et c’est dans l’espace médian symbolisé par ce vis-à-vis que le groupe de recherche a défini son terrain d’exploration: la représentation et les récits par lesquels les avancées technologiques et leurs projections s’adressent à l’imaginaire collectif et le façonnent.

L’atelier des machines

Grégory Chatonsky est un artiste franco-canadien. Il a enseigné au Fresnoy, à l’UQAM et est actuelle- ment chercheur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris et enseignant en recherche-création au sein d’Artec. Depuis le milieu des années 90, il travaille sur le Web et sur son affectivité le menant à questionner l’identité et les nouvelles narrations qui émergent du réseau. À partir de 2001, il commence une longue série sur la disloca- tion, l’esthétique des ruines et l’extinction comme phéno- mène artificiel et naturel. Au fil des années, il s’est tourné vers la capacité des machines à produire de façon quasi autonome des résultats qui ressemblent à une création humaine. Carte blanche lui est ici donnée.

Voyage mentale dans le chamnisme

par Véronique Bergen

Anthropologue, maître de conférence à l’École pratique des hautes études, Charles Stépanoff livre avec Voyager dans l’invisible. Techniques chamaniques de l’imagination un ouvrage majeur qui, comme l’écrit Philippe Descola dans sa préface, fera date.

La critique d’art

par Mathilde Roman

Chaque année, l’une des sections nationales de l’Association Internationale des Critiques d’Art organise un congrès, délivre deux prix, et met à l’honneur ses pairs et leur participation, aux côtés d’artistes, de commissaires et de galeristes, à l’émergence de formes et d’expériences sensibles. Cet automne c’est en Allemagne—à Cologne puis à Berlin—que différentes générations de critiques, vivant et travaillant dans des pays et contextes multiples, ont pu se retrouver, écouter et échanger.

Le monde sauvage

par Raya Lindberg

Depuis septembre 2019, le Centre d’art contemporain La Criée à Rennes a initié un cycle thématique d’expositions intitulé Lili, la rozell, et le marimba, qui questionne les liens entre productions, savoirs locaux et création contemporaine. En invitant l’artiste Éléonore Saintagnan (°1979, Paris; vit et travaille à Bruxelles), la commissaire et directrice du Centre, Sophie Kaplan, poursuit une exploration aux confins de l’ethnographie et de l’art, qui promet d’enrichir la lecture de l’art actuel d’un autre son de cloche local, résolument orienté en direction des territoires minorés.

Jeunesse et Arts Plastiques

par Bernard Marcelis

Sans coup férir, mais solidement ancrée dans le paysage culturel francophone belge, l’association Jeunesse et Arts Plastiques fête cette année son soixantième anniversaire. De sa création et ses premières conférences au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles à son essaimage en Wallonie, celle-ci a largement contribué à la diffusion de l’actualité artistique belge et internationale, avec un pro- gramme transversal, multipliant ses activités et allant à la rencontre de ses publics.

Greyzone Zebra

par Pauline Hatzigeorgiou

La recherche du collectif Greyzone Zebra et le travail singulier de l’un de ses membres, MAXIME JEAN-BAPTISTE (°1993, Melun, FR; vit et travaille entre Bruxelles et Paris) à travers sa vidéo Nou Voix, investiguent les temporalités de la mémoire (post)coloniale et les processus de remémoration et d’oubli générés par des archives cinématographiques. Par diverses mises en œuvre de reenactments, il s’agit de questionner les traumas sous- jacents dans les relations présentes et de recomposer les sens du passé.

Imposture-monde

par Sébastien Biset

Tout hit est une énigme. Ces chansons à succès ou “tubes” irriguant maintes cultures musicales, dans l’histoire aussi brève que récente des musiques populaires enregistrées, diffusées, clipées, marketées, streamées, cliquées... fascinent, autant que leurs auteurs. Derrière celui dont il est ici question, une association opportune.

La fille aux yeux bruxellois

par Emmanuel Lambion

Foisonnant est sans doute l’un des qualificatifs qui caractérisent le mieux le travail et l’actualité de SADDIE CHOUA (°1972; vit et travaille à Bruxelles). Après une proposition pour la Biennale de Warszawa (Pologne) et un solo show à la galerie Laveronica de Modica (Sicile), l’artiste s’apprêtait, jusqu’il y a peu, à relever le challenge de sa sélection—aux côtés de Jacqueline Mesmaeker, Joëlle Tuerlinckx, Agency et Sammy Baloji—au prestigieux Belgian Art Prize dont l’édition 2020 vient d’être annulée.