Virginie Despentes

Le jet, le canot et la disqueuse thermique

Copier, coller, retisser : la romancière Fanny Taillandier fait le détour par la fiction pour analyser les discours politiques

Vincent Berthelier

par Fanny Taillandier

On sait deux choses de Céline : c’est un énorme nazi et son écriture fait, depuis presque 100 ans, autorité sur toutes les chapelles du style à la française. Le chercheur Vincent Berthelier montre que l’articulation entre style littéraire et idéologie réactionnaire est une construction romanesque, méticuleusement entretenue par les réseaux de droite et d’extrême-droite. Arrêtez de faire style vous avez du style.

Virginie Despentes

par Salomé Kiner

À vingt ans, Virginie Despentes balançait des punchlines au micro de son groupe de punk rap féministe, Straight Royeur. Trois décennies plus tard, son dernier livre Cher connard confirme qu’elle règne toujours sur l’art de la formule taillée au katana. Dans ce ping-pong épistolaire, l’écrivain Oscar Jayack est accusé d’avoir harcelé son ancienne attachée de presse. De l’autre côté du filet, Rebecca Latté, une actrice à succès qui se voit vieillir dans les yeux du cinéma. Beaucoup de choses les séparent, mais pas la défonce qu’ils pratiquent généreusement. Ils s’envoient d’abord des scuds, puis rapidement des fleurs. L’intrigue ne fait pas de mystères : envers et contre eux-mêmes, ils deviendront amis parce qu’ils sont capables de changer. Ce qui est plus mystérieux, c’est comment Virginie Despentes reste, trente ans après Baise- moi, une autrice sans cesse déplacée par ses curiosités, capable de fédérer malgré sa radica- lité, de transmettre au-delà de sa génération et d’espérer en dépit de ses rognes.

Cache-cache avec les Talibans

par Wilson Fache · visuels: Charles Thiefaine

Des mariages sans musique, des magasins d’instruments reconvertis en épiceries, des salles de cinéma fantômes : depuis le retour au pouvoir des talibans, il y a un an, la culture joue au roi du silence. Sous la menace permanente de la police des mœurs, Djs, rappeurs, tatoueurs et autres artistes font le choix de la clandestinité pour survivre.

Marlene Monteiro Freitas

par Léa Poiré · visuels: André Príncipe

Une chorale de chanteurs, les bouches écartelées par un appareillage de dentiste. Des pu- pitres qui servent tour à tour de pagaies, de pipeau ou de fusils d’assaut. Un cul qui se métamorphose en visage. Une cavalière-militaire enfermée dans une boîte de plexiglass. Marlene Monteiro Freitas n’est jamais avare en images. Le plus souvent, ses spectacles vous collent à la peau pendant quelques jours, parfois vous hantent pendant des années. Depuis son solo Guintche, qui déboule comme un ovni sur les scènes contemporaines en 2010, puis (M)imosa, interprétation frénétique du chanteur Prince qui lui ouvre les portes de la célébrité, la chorégraphe cap-verdienne impose une esthétique reconnaissable entre mille : grimaçante, salis- sante, à la fois grandiose et grotesque, toujours poussée vers les extrêmes. Alors que le festival d’Automne à Paris propose de voir ou revoir une grande partie de son œuvre, il faut remonter le fil de sa vie, s’immerger dans le carnaval de sa ville natale, Mindelo, pour comprendre d’où cette intensité a bien pu germer.

Claire Denis

par Iris Deniau, Jean-Roch de Logivière · visuels: Andrea Montano

C’est avec une œuvre radicale qu’elle alimente le cinéma français depuis 35 ans. Printemps 1988 : Chocolat électrise et divise les spectateurs du Festival de Cannes. Claire Denis a lâché son premier film, celui d’une femme blanche éduquée dans le crépuscule de l’Afrique colo- niale, formée auprès de Wim Wenders et Jim Jarmusch, lectrice de Frantz Fanon : un cinéma subtil, intelligent, interprétable. On lui explique alors que son regard est sexualisant, en plus d’être symptomatique de son genre. La réalisatrice réfute ces deux accusations : elle ne veut pas faire des films de femme, pas plus que des films d’homme. Depuis, elle arpente les cour- sives du cinéma d’auteur, du fait divers à la science-fiction, de la banlieue parisienne à Djibouti, d’Isabelle Huppert à Vincent Lindon. Hollywood la courtise régulièrement ; ses films sont encore assez peu montrés en France. Elle vient de recevoir le Grand Prix du Festival de Cannes pour Stars at Noon et le prestigieux Ours d’argent à la Berlinale pour la réalisation de Avec amour et acharnement, adapté d’un roman de Christine Angot. À 76 ans, ni le conformisme, ni les paillettes des grandes cérémonies ne la contraignent à regarder le monde comme il faudrait. Elle taille la route avec ses personnages, fidèle à leurs erreurs, chroniqueuse de leurs bifurcations. Des errances désirantes.

Avec Virginie Maris

par Élise Ternat · visuels: Louis Canadas

Après la nature

Jura

par Émile Poivet, Jean-Roch de Logivière · visuels: Paul Lehr

Rien n’est plus comme avant dans le Jura : le dérèglement climatique modifie les terroirs et le prix du foncier grimpe sous la pression de deux produits-stars : le vieux Comté et le vin non-soufré. Les paysans d’hier sont les nouvelles coqueluches des étoilés. Mais les spéculateurs et les Appellations d’Origine Contrôlée, incapables de s’adapter aux nouvelles pratiques viticoles, alimentent la folie des grandeurs. Chronique d’un succès explosif sous 35 degrés, plus 13 dans la bouteille.

Lars Vilks

par Alexandre Parodi · visuels: Alexandre Parodi

Le diable de Suède

Albert Serra

par Julien Bécourt · visuels: Pauline Hisbacq

Après avoir déclenché la ferveur du festival de Cannes, le dernier film d’Albert Serra débarque en salles. Tourné à Tahiti en plein confinement, Pacifiction ausculte la paranoïa attenante au pouvoir, avec en toile de fond la reprise des essais nucléaires de l’État français en Polynésie. Mêlant exotisme postcolonial, satire politique et romance aberrante, tout en s’aventurant par l’image du côté de David Lynch ou de Michael Mann, le film respire l’excentricité à chaque plan. Et c’est d’une splendeur à se damner. Albert Serra ouvre une voie nouvelle dans son cinéma, plus fiévreux et envoûtant que jamais, et offre à Benoît Magimel un rôle à la hauteur de sa stature. Conversation avec le maestro catalan.

voir également

Technikart Êtes-vous sexuellement bankable ? · virginie despentes · beth ditto · éric naulleau · katy perry
#214
2017-07
3,99 €
Technikart Romain Gavras, Dali Benssalah · virginie despentes · jean-jacques sempé · aloïse sauvage
#262
2022-09
3,99 €
Berlin Poche Numéro 65 · pier paolo pasolini · albert serra · volker siems · centre français de berlin
#65
2014-09
2 €