Jia Zhang-ke

Clio Barnard

par Eithne O'Neill

" Le Géant égoïste " de Clio Barnard fut une des grandes révélations du dernier festival de Cannes (Quinzaine des réalisateurs), avant de remporter le Grand Prix du Festival du film britannique de Dinard. À vrai dire, la réalisatrice s'était fait connaître dans le monde anglo-saxon pour son premier film, " The Arbor ", consacré à la dramaturge Andrea Dunbar, un mixte brillant de documentaire et de fiction toujours inédit en France. Tourné dans le Yorkshire, son pays natal, " Le Géant égoïste " est un des plus beaux films sur l'enfance, à la fois dans la grande tradition réaliste du cinéma anglais et tout imprégné de préoccupations formelles, comme il sied à une cinéaste qui, à ses débuts, réalisa une demi-douzaine de films expérimentaux. Après Lynne Ramsay (Ratcatcher, 1999) et Andrea Arnold (Red Road, 2006), voici une nouvelle réalisatrice qui n'a pas froid aux yeux, et qui se livre au plaisir coupable de la fiction et de la représentation honnies par les milieux avant-gardistes de la jeunesse.

Jia Zhang-ke

par Adrien Gombeaud

Jia Zhang-ke, dès la fin de ses études à l'Académie du cinéma de Beijing, a choisi de ne pas être un salarié de l'État. Il confirme ainsi, film après film, son indépendance de jugement dans un pays où pourtant toute incartade fait problème. Avec " A Touch of Sin ", il s'attache encore une fois aux transformations de la société chinoise et aux bouleversements qu'elle provoque chez les individus qui peuvent adopter des comportements violents allant jusqu'au crime. Le thème est réaliste et ancré dans la réalité d'aujourd'hui, mais le traitement stylisé permet de maintenir une distance de réflexion et de ne pas montrer la moindre complaisance. Dans tout l'illogisme du palmarès de festival, le prix reçu non pas le Prix de la mise en scène mais celui du scénario, alors que tout est dans le regard que pose le metteur en scène sur les quatre faits divers qui constituent son film. À ce titre, c'était sans doute un des plus forts du festival de Cannes : l'émotion, la beauté plastique, le témoignage sur une société en crise sont l'expression d'un metteur en scène qui a trouvé une place originale et qui, mariant ambition créatrice et accomplissement, est un peu le chef de file de sa génération.

James Gray

par Jean-Loup Bourget

" The Immigrant " a la beauté éternelle des classiques. Si " Two Lovers ", en peignant un couple dans la ville, évoquait " L'Aurore " de Murnau, le blanc visage de Marion Cotillard au coeur du clair-obscur urbain, la poésie des taudis de " The Immigrant " renouent avec le Griffith du " Lys brisé " et des " Deux Orphelines ". Cinéaste virtuose dont la modernité se dissimule dans une forme sans effets ni esbroufe, Gray tient avec une foi inébranlable le discours d'un art sans âge et sans frontières. Personne n'y est totalement mauvais, personne n'y est totalement innocent. Pour dépeindre la condition humaine, le cinéaste touche à l'universel. À l'heure où certaines voix paraissent s'impatienter de ce calme refus de la mode, il était important de célébrer ce nouveau chef d'oeuvre et d'assurer James Gray que nous le suivons dans sa trajectoire sobre et magnifique.

Diego Quemada Diez

par Grégory Valens

Diego Quemada Diez a d'abord travaillé - à la production, au cadrage ou à la photographie - avec de grands noms du cinéma comme Isabel Coixet, Alejandro Gonzalez Inarritu, Fernando Meirelles et Ken Loach, dont il revendique du reste l'influence. Après la réalisation de trois courts métrages, plusieurs fois primés et son passage par l'atelier de la Cinéfondation, il revenait à Cannes, en mai dernier, avec " La jaula de oro " (" La Cage dorée " rebaptisée " Rêves d'or "), un premier long métrage "choc", présenté dans la section Un certain regard. À cette occasion, nous l'avons rencontré pour parler de son parcours, de l'Espagne au Mexique, de celui de ses jeunes personnages engagés dans une odyssée entre le Guatemala et les États-Unis. Et pour évoquer aussi ses choix esthétiques qui organisent un subtil mélange d'ultra-réalisme et de poésie, au service d'un film maîtrisé de bout en bout.

Les Films

par Jean-Christophe Ferrari, Ariane Allard, Vincent Thabourey, Adrien Gombeaud, Éric Derobert, Lorenzo Codelli, Peirre Eisenreich, Nicolas Bauche, grégory Valens

La Jalousie Borgman The Lunchbox 25 novembre 1970, le jour où Mishima... Le Démantèlement The Major All Is lost Suzanne Casse-tête chinois Les Garçons et Guillaume, à table !

La voix ensorcelante de Stella Adler

par Peter Bogdanovich

" La vie est ennuyeuse. Le temps est ennuyeux, disait Stella Adler. Les acteurs ne devraient pas l'être. La vie met votre âme en pièces, mais l'art vous rappelle que vous en avez une. " Quand j'ai commencé à suivre les cours de la déjà légendaire Stella Adler, en 1955, je n'avais que 16 ans et j'avais triché de deux ans pour pouvoir être admis. J'ai étudié avec elle quatre années et ai suivi le moindre cours qu'elle proposait : depuis les débutants jusqu'au passage de scène, et enfin l'analyse de texte, qui était à la fois le plus intimidant et le plus électrisant. Ce qu'il y a de sensationnel venait de son rendu du texte, très théâtral mais vrai, car Stella n'était rien moins que théâtrale mais vraie. Elle avait le théâtre dans le sang : ses parents avaient été de grandes vedettes du théâtre yiddish de New York.

L’invention de “Too Much Johnson ” et la Terra Incognita des inédits de Welles

par Jean-Pierre Berthomé

Prenons l'invention du titre dans le sens où on emploie le terme pour désigner la révélation d'un trésor dissimulé jusque-là. Le mieux approprié pour qualifier la projection d'un inédit d'Orson Welles, " Too Much Johnson ", soixante-quinze ans après sa réalisation.

Dossier : Le DVD, nouvel état des lieux

par Philippe Rouyer · visuels: Christian Viviani

Comme chaque fin d'année, les éditeurs vidéo sortent une multitude de coffrets dont quelques très belles pièces en édition numérotée que nous ne manquons pas d'évoquer dans ces pages. Mais, loin du guide d'achat, la raison d'être de ce dossier sur l'univers du DVD et du Blu-ray, quatre ans après le premier ensemble que nous avons consacré au sujet (n°586), est de prendre le pouls d'un secteur en moins bonne santé que ne le laisse imaginer une poignée de belles réussites éditoriales. Réunis de nouveau autour d'une même table, les éditeurs français que nous avions rencontrés en 2009 dressent un bilan lucide d'une situation de crise. Le DVD/Blu-ray de patrimoine parvient à se maintenir en France grâce à ses exigences qualitatives et au soutien du CNC. Mais le marché des éditions de films nouveaux ne cesse de s'effondrer. Au point que certains longs métrages sortis en salles n'ont déjà plus les honneurs d'une sortie sur support physique. Sans nous en rendre compte, nous sommes passés à l'ère du dématérialisé. Pour combien de temps encore les cinéphiles pourront-ils prolonger le plaisir de leurs films préférés avec des commentaires audio et des making of tels que ceux réalisés par Laurent Bouzereau ? De la Cinémathèque de Bologne, Gian Luca Farinelli rappelle que, DVD ou projection en 35 mm, l'essentiel est de donner le goût du cinéma aux jeunes générations pour que, quel que soit le support, il existe toujours un public dans les prochaines décennies.