La négociation

Pour comprendre le régime et les caprices d'un fleuve, il est souvent utile de remonter son cours jusqu'à sa source. Il en va de même pour les concepts et, à plus forte raison, pour ceux d'entre eux qui désignent une pratique sociale. Ainsi en est-il de la « négociation ».

Les termes de « diplomatie » et de « négociation » sont souvent utilisés comme synonymes l'un de l'autre. Selon la définition classique de l'Oxford English Dictionary reprise par Harold Nicolson : « La diplomatie est la gestion des relations internationales par la négociation ».

D'un homme politique on dit : « C'est un bon négociateur. » Ou : « Décidément, il ne faut pas l'envoyer négocier. » Naguère, l'un de nos ministres s'était forgé cette médiocre réputation, dans le cercle exigeant et soupçonneux des fonctionnaires qui défendent les intérêts de l’État comme les leurs. Appelé à une position plus élevée, il démontre chaque jour combien ses collaborateurs ne s'étaient pas trompés. Mais soyons équitables, on dit cela aussi dans le commerce, la banque, l'industrie, le spectacle où les musiciens, sans indulgence pour eux-mêmes, ont, dit-on, un caractère rigoureux, voire acerbe.

Dans son acception habituelle, le mot ce négociation » recouvre deux activités : l'une la plus noble est celle du négociateur et l'autre la plus roturière est celle du négociant. Au premier reviennent les hautes missions accords entre Etats, entre groupes économiques, entre partenaires sociaux. Le domaine du second est celui du marchand, riche, inculte et de moralité douteuse, comme le veut la caricature moliéresque.

Nommé ministre de l'agriculture le 22 août 1961, c'est le 15 septembre de la même année que je m'asseyais à Bruxelles à la table des négociations qui devaient conduire le 14 janvier 1962 à l'adoption des éléments essentiels de la politique agricole commune. Je n'ai pourtant cessé de négocier jusqu'en ces premiers jours de janvier 1966 où je quittais la rue de Varenne pour aller boulevard Saint-Germain créer le ministère de l'équipement.

- Une négociation imposée - Une loi négociée

A tous les niveaux..., niveau individuel et social, niveau des groupes et des États, la négociation est donc compromis, recherche d'équilibre, coexistence plus ou moins pacifique : elle favorise l'intégration, facilite l'ajustement d'intérêts opposés, réduit les tensions, et permet de façon souvent temporaire, mais parfois inespérée, le règlement de conflits propres à tout être et à toute collectivité.

De tous les processus dont l'ensemble constitue les relations internationales, la négociation est sans doute celui auquel on se réfère le plus volontiers comme représentatif de ce type de rapports sociaux. C'est qu'elle est en effet, à certains égards, exemplaire.

La psychologie sociale, dont l'un des domaines est l'étude des phénomènes qui se déroulent à l'intérieur des groupes, s'est relativement peu intéressée à la négociation.