Des animaux, des hommes et des dieux

Aux origines du symbolisme animal

par Pierre Chavot

L’homme, chacun le sait, est le grand ordonnateur de la planète, le dominateur des animaux. Jusqu’à ce que la réalité le rattrape. Le requin ou le serpent, par exemple, le laissent sans voix, démuni, sans défense. Soudain, l’homme comprend qu’il n’est évidemment qu’un animal parmi d’autres, puissant ou vulnérable selon les cas. Une question l’assaille alors: comment a-t-il réussi à bâtir sa prédominance sur la nature? Dès que son cerveau et son évolution l’ont permis, il a simplement cherché à surmonter ses craintes en représentant fauves et autres «bêtes». De la chair sur des images! Puis, lorsque a émergé un embryon de sentiment religieux, de croyance, il a cherché à discipliner, à civiliser ses instincts profondément animaux. Les religions naissantes et leurs suivantes, jusqu’aux monothéismes inclus, ont ainsi multiplié les références, les symbolismes animaux. Un exceptionnel bestiaire qui, entre crainte et vénération, prend sa source aux confins de la préhistoire.

La Bible. Dieu, l’homme et les bêtes

par Pierre Chavot

La Bible hébraïque, composée sur mille ans environ, possède deux spécificités de taille. Ce monument est la pure et magnifique expression du judaïsme, première foi structurée au dieu unique. Composé jusqu’au tournant de l’ère chrétienne, il s’est nourri d’influences diverses, venues en premier lieu du Proche-Orient, notamment de Mésopotamie. Défendant, proclamant farouchement le culte d’un seul dieu, la Bible a puisé dans le symbolisme animal des divinités environnantes afin de signifier la toute-puissance de Yahvé de manière allégorique. De fait, alors que les polythéismes contemporains escortent leurs grandes figures divines d’animaux chargés de sens, le judaïsme antique tranche la question et affirme que Dieu ne peut être associé à une figure animale. Unique, omniscient, il dirige tout, l’homme comme les bêtes. Ce qui explique, en partie, les sacrifices animaux perpétrés dans le Temple de Jérusalem.

La place de l’animal dans la religion grecque antique

par Sonia Darthou

L’animal est omniprésent dans la civilisation grecque auprès des hommes des cités: chien domestique et familier, troupeau nourricier, cheval de guerre, gibier, bœuf de trait ou poisson des profondeurs marines… Dans les mythes et les rituels, il occupe également une place centrale. Il est le compagnon et l’attribut des dieux, incarnant une part de leur puissance et de leur identité, comme l’aigle de Zeus, la biche d’Artémis ou la chouette d’Athéna; il est aussi et surtout, en tant que victime sacrificielle et divinatoire, le lien rituel entre hommes et dieux, l’intermédiaire privilégié entre l’Olympe et les cités.

Rome ou l’essor des métamorphoses

par Pierre Chavot

Plus de mille ans! Aucune puissance occidentale n’a atteint, dans l’histoire, une telle longévité et exercé une telle influence sur l’Europe. Douze siècles séparent en effet la fondation de Rome, fixée traditionnellement en 753 avant notre ère, de la chute de l’Empire romain d’Occident, en 476. Constituée au fil des siècles, cette civilisation doit une part de sa pérennité à une aptitude exceptionnelle, celle d’accepter, d’assimiler et de nourrir à son tour des influences étrangères : grecques, orientales, celtiques, égyptiennes, etc. La religion et le panthéon romains apparaissent ainsi comme les héritiers de mariages divers, au service d’une véritable originalité. À cet égard, le symbolisme animal romain est d’une richesse exceptionnelle, qui prend une dimension particulière dans l’art des métamorphoses. Ou comment des humains, des héros et même des animaux se transforment en animal ou en végétal, en étoile, en montagne, afin d’expliquer l’homme et le monde.

Jésus et le triomphe de l’agneau

par Pierre Chavot

Vers l’an 28 de notre ère, Jésus entame son ministère. Juif à part entière, il ne souhaite pas fonder un autre monothéisme, bien au contraire : face aux rites de purification et aux pratiques alimentaires très contraignantes, dont la complexité et le coût élevé excluent une bonne partie de la population, il veut simplement raviver l’alliance passée entre Dieu et son peuple, Israël. Pour cela, il préconise, dans le sillage de son cousin Jean le Baptiste, la pratique du baptême, simple plongée dans les eaux permettant de se purifier de ses fautes. Car c’est là l’une des conditions pour accéder au royaume de Dieu, dont Jésus annonce la venue prochaine. C’est la «bonne nouvelle», sens premier du mot «évangile». Ce faisant, Jésus attire les foules mais aussi l’inimitié de certains juifs puissants. Ce qui lui vaut d’être arrêté, maltraité et finalement crucifié. Dès lors, l’imaginaire chrétien l’associe à l’agneau de Dieu, sacrifié pour l’ensemble des hommes.

L’art de parler aux bêtes, aux homme et à Dieu

par Carlos Pereira

La langue unitaire de la Création, initialement partagée par les humains et les bêtes, qui était devenue le trésor exclusif de l’homme, fait place désormais à la diversité des langues du péché, rendant ainsi les hommes étrangers les uns aux autres. Il y a là une double peine : les humains ne peuvent plus comprendre les bêtes, et ils ne peuvent plus s’entendre entre eux. Dorénavant, tout le défi pour l’humanité consiste dans la recherche de la langue parfaite et le rétablissement de l’unité des commencements.

Les animaux dans la religion scandinave

par Régis Boyer

La mythologie des anciens peuples nordiques, si difficile à connaître, accorde une certaine place aux animaux, même si ces derniers restent relativement en retrait. Chargés d’une forte puissance symbolique, compagnons des dieux ou figures mythiques, ils en disent long sur les croyances scandinaves préchrétiennes, pour peu que l’on y prête attention.

L’identité péruvienne en majesté

par Bérénice Geoffroy-Schneiter

Conçue en étroite collaboration avec les autorités scientifiques du Pérou, l’exposition que consacre le musée des Beaux-Arts de Montréal aux différentes civilisations nées sur son sol mérite, à elle seule, le voyage. Non contente d’exposer des pièces exceptionnelles, elle illustre le dialogue constant entre archéologie et construction identitaire, passé pré-hispanique et modernité.

Chefs-d’oeuvre de l’art sacré chinois archaïque

par Virginie Lérot

Pour la première fois en France, on peut admirer une centaine de pièces issues de la célèbre collection Meiyintang. Il s’agit de bronzes rituels chinois produits au cours des deux derniers millénaires avant notre ère. À travers eux, c’est tout un univers religieux, culturel et artistique que le visiteur découvre.

Quand la mythologie était tissée

par Virginié Lérot

Prêtées par le musée du Petit Palais (musée des Beaux-Arts de la ville de Paris), seize tapisseries des XVIIe et XVIIIe siècles dévoilent leur faste au musée Anne-de-Beaujeu de Moulins. De l’Antiquité classique à un Orient fantasmé, elles content en images des histoires que l’exposition permet à tous de comprendre.

Eloge de l’humaniste

par Virginie Lérot

À travers un livre et une série de CD, Jordi Savall et ses collaborateurs rendent hommage au philosophe, théologien et écrivain Érasme qui toujours défendit la tolérance, alors même que le monde alentour s’embrasait dans les guerres, religieuses en particulier.

Le Brahmo Samaj , mouvement réformateur indien

par Monique Zetlaoui

Qui en Occident connaît le mouvement religieux du Brahmo Samaj (son nom a pu varier au fil du temps et des divisions internes, mais nous retenons ici celui sous lequel il est le plus généralement étudié)? Fondé au début du XIXe siècle, mêlant à l’hindouisme des éléments empruntés à la culture occidentale – l’Inde est alors sous domination britannique –, ce mouvement réformateur qui évolua en fonction de ses leaders successifs fit pourtant beaucoup pour l’évolution des mentalités et le développement de l’Inde moderne.

Revisiter la religions des anciens Germains

par Régis Boyer

Puisque les textes sont toujours sujets à caution et doivent être étudiés de manière prudente et critique, il faut impérativement explorer avec grand soin quelques autres pistes. J’en énumérerai ici quelques-unes qui me paraissent importantes, en faisant valoir leur pertinence.

La laïcité dans un monde déchiré

par Yves-Charles Zarka

La loi de 1905 a pratiquement acquis le caractère d’une loi fondamentale de la République française, comme il y avait auparavant des lois fondamentales de la monarchie. Elle est en ce sens fortement enracinée dans la conscience nationale, parce qu’elle est considérée comme comportant les principes communément partagés de la séparation des religions et de l’État, lesquels ont apporté une solution à la crise ouverte depuis la Révolution de 1789.

Les bestiaires médievaux ou l’animal spiritualisé

par Virginie Lérot

Parmi les nombreux textes que nous a légués le Moyen Âge, il en est un genre qui attire particulièrement l’attention par son étrangeté (à nos yeux d’hommes contemporains du moins) : celui des bestiaires. Sorte de traités présentant les animaux à des fins morales et catéchétiques, ces œuvres conservées dans des manuscrits souvent somptueusement illustrés confèrent à l’animal une dimension spirituelle inédite et appelée à imprégner durablement l’imaginaire collectif occidental.