Numéro 100

Radu Malfatti

par Gérard Rouy

Né à Innsbruck, Autriche, en 1943, Radu Malfatti a étudié le trombone avec Eje Thelin à la Musikakademie de Graz avant d’aller vivre — souvent à la faveur d’aimables rencontres amoureuses… — et travailler dans différentes grandes métropoles d’Europe. A Londres, il est membre de Centipede, du Brotherhood of Breath, de Ninesense, puis participera à de nombreux illustres grands orchestres comme l’ICP Tentet, le London Jazz Composers Orchestra, le GrunbenKlangOrchester, le Dedication Orchestra, le King Übü Örchestrü, etc., ainsi que d’innombrables petites formations. Fatigué par les conventions qui semblent gérer l’improvisation “conventionnelle”, il participe au quatuor Polwechsel et rejoint en 1994 le groupe Wandelweiser, un ensemble de compositeurs et d’interprètes intéressés par l’intégration du silence dans le flux musical.

Dror Feiler, le bruit castré et autres façons de subvertir l’orchestre ou le monde

par Kasper T. Toeplitz

Essayer de dire la musique, les projets, l’engagement politique, le passé, la vision de l’art, celle du monde, ou plus simplement l’activité de Dror Feiler, c’est risquer d’aller droit dans le mur, tant tout cela est dense, touffu, inextricablement lié, tant les croisements sont nombreux et les liaisons multiples. Impossible de résumer, même imparfaitement, l’activité du personnage en quelques phrases, en une formule : le dire compositeur, ou musicien, ou même artiste, c’est déjà rater tout un pan de ce qu’il est (on pense à son activisme politique), tout ce qui n’est pas musique tout en étant viscéralement dépendant de son activité artistique, ou bien, et dans le même moment, moteur de celle-ci. Et la traditionnelle, et un peu simplette, question de fin d’interview sur “les projets futurs” paraît vaine tant on est avec Dror Feiler dans un avancement continuel, et une multiplication et un enchevêtrement de projets, ou alors dans un projet continu et global, ou projet de société.

L’abandon par le bruit

par Philippe Robert

La possibilité d'aborder la musique de manière libre et sans concession, voilà ce que Greg Angström aura d'emblée apprécié dans les disques et les concerts, que l’on parle de free jazz ou de free rock pour les références originelles, celles-ci l’ayant assez logiquement mené jusqu’au harsh (ou ambient) noise wall comme aux field recordings. Ceci, avec pour influences majeures, désormais, l’univers de Romain Perrot au sein de Vomir, c’est-à-dire ses murs de “l’abandon par le bruit”, sa “parfaite musique du rien”. Soit ce “No Idea” renvoyant à Phill Niblock et à son “No Harmony, No Melody, No Rhythm, No Bullshit”, ou encore à ce qu’il dit de sa musique : « Elle est simplement ce que je cherche à dire. Elle n’est pas censée mener ailleurs. Elle est ce qu’elle est et rien de plus. Cette musique n’a rien d’autre à offrir, elle n’a pas de développement, elle ne devient pas autre chose. » Illustrant sa passion pour le noise, GREG ÅNGSTRÖM organise deux évènements importants : la HNW Fest (pour Harsh Noise Fest), en compagnie de Romain Perrot, qui se déroule aux Instants Chavirés, à Montreuil ; et Bruitisme, qu’il monte avec William Nurdin, ambiance DIY dans le nord-est, à Maxéville. Soit, dans les deux cas, un condensé de ce qui se fait aujourd’hui en matière de bruit, que ce soit en France, Belgique, Italie, Allemagne ou Serbie, entre autres.

La musique permet tout

par Maha El Nabawi · visuels: Kent State University

La semaine dernière, j’ai choqué un ami musicien au Caire en lui disant que le premier concepteur de musique électronique n’était pas un Allemand, comme il le pensait, mais un Cairote de 23 ans, Halim El-Dabh, qui à l’époque avait manipulé les enregistrements d’une ancienne cérémonie de guérison. Au tout début des années 40… Dans cette hypnotique pièce de deux minutes connue sous le nom de Wire Recorder Piece, une voix distante, déformée, pareille à un chant, résonne en boucle sur elle-même dans une chambre d’écho, encore et encore, comme un serpent enroulé sur lui-même, avec de temps en temps une pause comme pour souffler avant de reprendre son déroulement de hurlement en spirale. Une version plus longue, intitulée The Expression of Zaar, avait été transférée sur bande magnétique et présentée au public en 1944, au Caire, dans une galerie d’art dont le nom semble désormais perdu…

À propos de communication, d’information & de médiation

par Thierry Balasse

Communication : mise en commun, échange de propos, action de faire part. A été introduit en français avec le sens général de “manière d’être ensemble”, et envisagé dès l’ancien français comme un mode privilégié de relation sociale. (Le Robert, dictionnaire historique). À lire cette définition, je me dis que je dois avoir raison quand je considère que la communication de ma compagnie, ce sont nos spectacles, nos concerts, rien d’autre. Je me dis que c’est un mot qui a une belle définition. Pourtant, il ne se passe pas un mois sans que je râle sur l’envahissement de la communication dans nos métiers du spectacle vivant…

Unconscious archives et la pratique d’expanded cinéma de James Holcombe et Sally Golding

par Karel Doing

Unconscious Archives est un cycle de soirées dédiées à l’expanded cinema, à la performance et à l’art sonore. Sally Golding et James Holcombe, qui en assurent la programmation, développent tous deux leurs pratiques artistiques dans ces mêmes domaines. Leur sélection reflète un point de vue d’artistes, une vision créative et ouverte.

Ring-modulation 13

par Kasper T. Toeplitz

Il y a parfois des musiciens qui ont ce fantasme de musique “pure” – ou plutôt, c’est une idée qui revient souvent, chez beaucoup de musiciens, mais qui, heureusement, ne dure pas trop longtemps (heureusement, parce qu’à bien y réfléchir, qu’est-ce qu’on en a à faire, de la “pureté” en musique ? ou dans tout autre art, d’ailleurs). C’est à ce moment que le musicien dénigre toutes sortes de musiques “utilitaires” qu’il pourrait être amené à faire, tout ce qui est travail de collaboration avec d’autres disciplines, musique de film, pour le théâtre ou la danse, ainsi que, bien évidemment, tout ce qui pourrait être musique de commande : généralement, il se met à expliquer que ça, c’est parce qu’il faut bien manger, mais qu’à côté il fabrique d’autres choses, tellement plus essentielles et pures, de la “Vraie Création”.