Impuissance politique: une auto-analyse

Yes, we can’t

par Laurence Duchêne, Dominique Dupart, Carine Fouteau, Paul Guillibert, Thibault Henneton, Xavier de La Porte, Carole Peclers, Adèle Ponticelli, Laure Vermeersch, Pierre Zaoui

Parions ceci : rarement on a ressenti un sentiment aussi désolant d’impuissance politique et personnelle qu’aujourd’hui. Généralement lorsqu’on agit, on méprise ce genre d’états d’âme. « Le Seigneur se moque bien de vos petits scrupules », rappelait saint François de Sales aux conventuelles dont il avait la charge. Plainte narcissique de petits-bourgeois qui n’agissent pas, ne militent pas, ne créent pas, ne manqueront pas de rétorquer certains. Peut-être que non. Parions que notre actuel sentiment d’impuissance a un peu plus de consistance.

Quand les malades investissent les rues de Bâle

par Cécile Cadu, Pauline Londeix

Le 1er avril 2013, le géant pharmaceutique Novartis est défait dans sa bataille judiciaire contre l’Inde. Avec ce jugement, la production de médicaments génériques dans le pays est durablement préservée. La presse suisse parle d’une « grosse claque » pour le laboratoire. L’humiliation est d’autant plus grande que les activistes ont réussi à porter le combat pour l’accès aux traitements des malades du Sud dans les rues de la capitale mondiale de l’industrie pharmaceutique : Bâle. Ils nous racontent la mobilisation et ses aléas.

Le juste prix

Des femmes de Lyon, l’automne 1792, décident des prix et ainsi de la valeur du travail, du papier monnaie, de la vie. Décider de la valeur, c’est affirmer son pouvoir souverain. Ces femmes citoyennes de Lyon se présentent comme « partie » pour le tout, démos face aux « Aristocrates Monopoleurs », le peuple souverain de Lyon. Elles jonglent alors avec le féminin qu’elles déclarent — ce sont bien des citoyennes — et le masculin qui est bien encore le genre du souverain et du Peuple. Elles réalisent ainsi une circulation de ces valences-valeurs, féminin et masculin, dans la capacité à affirmer la puissance du souverain.

Policiers contre dealers

par Anne Coppel

Tout marché illégal, on le sait, engendre la violence. Mais il semble aussi que chaque montée en puissance de la « guerre à la drogue » exacerbe un peu plus les violences propres à son marché, la mise en concurrence, le risque d’être dénoncés incitant les revendeurs à toujours plus de brutalité. Le temps est encore loin, sans doute, d’une refonte totale des législations. Mais le nombre de morts ne cesse de croître. Ne peut-on au moins, dans l’attente, repenser l’action policière, de façon à réduire les dégâts ?

Droit coutumier & indépendance kanak

par Christine Demmer, Christine Salomon

En Nouvelle-Calédonie, l’émancipation politique des Kanak passe-t-elle par la transcription de leur culture en droit ? C’est le pari d’un groupe de juristes et de magistrats, qui œuvrent à l’écriture d’un « droit coutumier », au nom de l’« identité kanak » reconnue par l’Accord de Nouméa et de la « souveraineté partagée » qu’ils prévoit. De loin, la tentative peut sembler louable. Christine Demmer et Christine Salomon, deux anthropologues attentives aux transformations, aux clivages et aux mobilisations de la société kanak, la récusent.

Le livre des commencements

par Truong Tran

Début départ orée aurore où commencer sinon à la maison

Nous retournerons à Damas

Depuis deux ans, 55 000 Palestiniens ont fui la Syrie pour le Liban et la Jordanie et selon des sources palestiniennes, 2 000 auraient été tués pour la plupart, dans les derniers mois. Les Palestiniens de Syrie, et tout particulièrement ceux du camp de Yarmouk au sud de Damas, sont très divisés : les plus jeunes s’engagent dans la lutte contre le régime, les plus vieux restent souvent neutres ou lui sont favorables. Un témoignage au ras de l’expérience et du quotidien, où se mêlent à part égale des pans de savoir et de non-savoir.

Oh Corse, île d’amours !

par Liza Terrazzoni

Le portrait de la Corse est souvent vite tiré. Cliché un : Kallisté — la plus belle — tel était le nom de l’île dans l’Antiquité. Cliché deux : tout n’est pourtant pas que beauté. Preuves en sont le clanisme, la vendetta, l’inefficacité de l’État qui en feraient la particularité. Cliché trois : dans le même temps, les traditions (honneur, famille, solidarité) ont du bon. Il serait temps d’ouvrir un peu les yeux. Deux solutions pour se sortir de ces images d’Épinal et de ce qui fait énigme : en revenir aux chiffres et mener l’enquête pour comprendre de plus près les ressorts de l’action sociale. Et ce n’est pas très beau à voir.

Pays d’été

par Emmanuelle Gallienne

D’un passé aux possibles

par Xavier Crettiez, André Fazi, Gérard Lenclud

La société corse s’est construite autour de communautés villageoises, en un archipel qui a longtemps rendu impossible toute structuration autour d’une cause commune. L’anthropologue Gérard Lenclud, au tournant des années 1980, a mené sur la question une étude en profondeur, dont la portée a été décisive pour la compréhension du système politique corse traditionnel. Elle a aussi nourri les analyses des politistes Xavier Crettiez et André Fazi sur la société politique corse contemporaine. À se demander si le temps ne serait pas venu de la normalisation. La discussion est ouverte.

Centre de résistance

par Ariane Chottin, Aude Lalande

L’histoire du Centre thérapeutique et de recherche de Nonette est intimement liée à l’émergence de la psychothérapie institutionnelle qui s’invente à Saint-Alban dans les années 1940, comme aux aspirations marxistes qui président à l’investissement syndical dans l’action sociale après-guerre. L’empreinte de cette double généalogie reste perceptible dans l’étincelle de résistance qui anime encore Nonette : quelque chose de vivant s’y préserve dans l’accueil de la folie, quand tout aujourd’hui s’entend à le durcir.

Repérer la petite invention

par Ariane Chottin, Aude Lalande

Rencontre avec Jean-Robert Rabanel & Jean-Pierre Rouillon

Cris & chuchotements

par Danièle Rouillon

À son arrivée au centre, à l’âge de 14 ans, Patricia n’était qu’un cri permanent. Elle réside au centre depuis une quinzaine d’années, elle y est devenue adulte, Nonette est son lieu de vie. Patricia sort souvent le week-end et pour les vacances, retrouver sa famille de « parrainage ». Danièle Rouillon témoigne ici de son accompagnement. Il donne abri, au fil du temps, au tissage extrêmement élaboré que cette jeune femme autiste développe, entre ses inventions écrites et son usage de petits sons.

L’Entre du philosophe

par Pascale Bouhénic, Ariane Chottin, Petra Neuenhaus

Entretien avec Heinz Wismann